Destin

Publié le 24 février 2009 par Dunia

Journée de merde

Vouée aux mêmes éternels schémas

Hier j’ai vécu la journée la plus merdique qu’il m’ait été donné de vivre depuis longtemps. Le genre de journée où je recommencerais à fumer. Rien de grave. Quoique. Parfois certaines choses en apparence sans importance pourraient tourner au drame. Pas envie de la raconter maintenant en son entier. Disons que j’ai vécu l’un de ces jours comme nous en avons tous connu, dans le style on se lève le matin, on pose le pied dans une flaque. Une canalisation a fuit durant la nuit. On appelle le plombier. Il met trois heures à débarquer. Entre temps on décide de déjeuner. On sale le café. La réparation de la plomberie terminée, on attend le trolley-bus durant cinquante-cinq minutes. Une panne d’éléctricité paralyse la ligne. On arrive au travail à midi moins le quart. Notre patron tire la gueule. Nos histoires de tuyauteries tombent mal le jour où la boîte livre un exigent et important client jamais content. Irrité, il nous file le boulot le plus merdique de l’entreprise. Il a accepté cette commande la veille mais, naturellement, elle aurait dû être terminée trois jours avant. Dans le stress on s’agraffe un doigt. Le soir, en rentrant chez soi, on s’imagine qu’on se détendra en promenant le chien. Au cours de la balade Médor, d’habitude obéissant, fugue. La pluie commence à tomber. On tourne pendant deux plombes, on marche des kilomètres, on s’égosille à crier le nom du cador. Le chien n’apparaît pas. Finalement on se retrouve au poste de police, aphone, trempé jusqu’à la moelle, secoué par des chauds-froids, pour signaler la disparition du quadrupède. Le flic de service nous colle une amende parce qu’on a détaché Médor dans une zone où tenir toutou en laisse est obligatoire. Vous voyez le genre de journée? Sgreugneugneu!

Je ne relaterai pas les détails de ces vingt-quatre heures où j’aurai mieux fait de rester au lit avec une bouillotte aux pieds et une couverture sur la tête. Cela prendrait trop temps d’écrire mes mésaventures or, dans l’immédiat, j’ai uniquement envie de m’attaquer aux nettoyages de printemps afin de me purifier. En résumé, disons que sur la lancée des contrariétés, j’ai carrément reçu la déclaration “d’amour” d’un inconnu à qui je n’avais jamais parlé avant hier. Ce monsieur semble obsédé par ma personne. Il a déjà prévu nos week-end à ski -je ne skie pas- nos balades en forêt, nos cueillettes de champignons et notre voyage au Sénégal. Ah! Et aussi de faire l’amour tous les jours et d’avoir des enfants avant que mes vieux ovaires ne dessèchent définitivement. Un projet d’avenir annoncé avec une grande délicatesse, puisqu’il n’a pas omis de spécifier qu’il pourrait baiser toutes les jeunes filles de son choix, mais qu’il préfère envisager son futur avec une femme entre quarante et cinquante ans, même si elle est moins belle qu’une jeune, plutôt qu’avec une pisseuse qui ne connaît rien de la vie. Malgré la maladresse de l’énoncé, éveiller de tels fantasmes aurait pu être flatteur si, lorsque j’ai tenté de lui faire comprendre que son programme n’entrait pas du tout dans mes projets, il ne m’avait pas agressivement répondu:

-Tais-toi! Je ne veux pas entendre ça! Je m’en fous de ce que tu veux. Moi ce que je veux c’est qu’on se voie. Qu’on sorte ensemble.

J’avoue que là, j’ai vraiment eu peur.

Qu’on ne me dise pas qu’il m’arrive ce genre de conneries à cause de mon blog, de mes romans, de mes nouvelles, de mes pièces de théâtre ou de mon manque de pudeur. Visiblement ce garçon ignore que j’écris. Lorsque je le croise, je suis toujours déguisée en sac de patates avec un bonnet engoncé jusqu’aux yeux. Rien qui rappelle de près ou de loin que j’ai des seins et un vagin, ni qui puisse même laisser présager que je peux être jolie et désirable quand -rarement- l’envie m’en prend. C’est l’ami d’une personne du voisinage. Je le salue gentiment quand je le rencontre. Pure politesse. Point barre. Rien d’extraordinaire. Je ne lui avais jamais parlé avant qu’il me déclare ses sentiments. Mais il semblerait que je sois destinée à attirer les déjantés en tout genre, même quand je tente de les fuir.

La “déclaration d’amour” s’est avéré le pompon de la journée, mais de huit heures du matin à dix heures le soir, j’ai subi un festival de désagréments divers. Du coup j’ai fumé une demie clope. L’ai trouvée dégueulasse. L’ai écrasée bien avant d’arriver au filtre. Je ne crois pas que je recommencerai à fumer ces prochains jours. En revanche, j’ai vidé mon frigo et mon garde-manger des aliments les plus huileux -thon en boîte, sardines en conserve, cacahuètes salées, noisettes- des vivres les plus farineux -pain, biscuits au chocolat- des victuailles les plus sucrées -pâte de coing, miel, lait condensé, nutella- que j’ai trouvé. Une véritable soirée d’Halloween pour toute diététicienne qui se respecte. C’est là que j’ai compris de quelle manière on pouvait virer boulimique en quelques heures.

Titre: Les tentacules de la destinée