Tout à l'heure, en allant à la pharmacie, je suis passée devant l'école de mon enfance. Il m'arrive souvent de me promener dans ce coin. Ta nature nostalgique t'y conduit régulièrement... Oui. Enfin là, c'était plutôt le besoin pressant de traitement médicamenteux. Bref.
En regardant la grille, la cour de récréation minuscule qui me semblait autrefois immense, en examinant tour à tour l'école maternelle et l'école élémentaire, je me suis dit que j'en avais fait un bout de chemin, un bout de vie, dans cette école. Je me suis dit que tous les enfants, devenus grands, prennent conscience un jour ou l'autre du rôle de l'école sur leur existence. C'est à l'école que j'ai appris à écrire. A l'école que j'ai entraîné mon imagination. A l'école que j'ai souffert sur les groupements en dizaines et unités, à l'école que j'ai éprouvé mon premier sentiment de honte après ne pas avoir su rattraper un ballon en cours de sport. Je revois précisément la scène... C'est à l'école que les premiers frissons d'amitié sont apparus, à l'école que j'ai admiré mes maîtresses, souhaitant de tout mon coeur être à leur place un jour. A l'école que j'ai eu mes premiers petits amoureux.
J'ai toujours aimé l'école. Malgré les mathématiques, la géométrie et l'éducation physique ? Oui, malgré tout ça. Parce qu'il y avait aussi les rédactions, celles que la maîtresse lisait devant la classe en me félicitant pour mon style, parce qu'il y avait la grammaire, que j'adorais (mais oui, c'est vrai...), parce qu'il y avait les récréations, les "tb" sur les cahiers. Ton appréciation est bien personnelle, Mirabelle... Bien d'autres enfants n'ont pas dû aimer l'école, éprouvant plus de difficultés en classe... Certainement. J'ai d'ailleurs énormément d'adultes autour de moi qui affirment avoir été dégoûtés par l'école. J'ai eu de la chance.
En passant devant mon école, soudain, je me suis revue. Comme si j'y étais. C'était un jeudi soir. Ma maman était venue me chercher, comme tous les jeudis, mon père ayant une réunion, comme tous les jeudis. J'avais mon cartable sur le dos et je me réjouissais de quitter l'école. Après le traditionnel bisou et le "tu as passé une bonne journée ? Qu'as-tu fait de beau, aujourd'hui, chérie ?", je lui racontais mes aventures de la journée (la dispute avec Clémence, le 0 faute en dictée, le problème de mathématique, les bêtises d'Aurélie...) alors que nous poussions la porte de l'école maternelle pour aller chercher ma petite soeur. Une fois la cadette récupérée, ma maman sortait alors un petit sac en papier de son cabas. Tous les jeudis, ma maman nous offrait un pain au chocolat. Ils sentaient bon, ces petits pains au chocolat, ils étaient chaud. Nous les mangions sur le chemin du retour, tandis que ma soeur narrait ses exploits de Grande Section et que j'énumérais les devoirs à faire pour le lendemain.
Ca n'a l'air de rien un souvenir comme ça, je le sais bien. Beaucoup d'enfants en ont, du même style. Mais c'est un souvenir que je lie à l'école. J'aimais les jeudis. J'aimais retrouver mon petit pain au chocolat à la sortie et embrasser Aurélie, la bouche pleine de miettes, les lèvres toutes chocolatées, près de la grille. Lui hurler : "A demain Auréééé !", en traînant mon cartable par terre, ce qui me valait toujours une remarque maternelle.
Oui, ça n'a l'air de rien, un souvenir tel que celui-ci. J'en ai vus bien d'autres, des gamins s'en aller la bouche bourrée de bonbons, de croissants ou d'autres sucreries patissières. J'en ai vus bien d'autres, à la sortie de l'école, le cartable traînant par terre, saluant de loin leurs meilleurs copains. J'en ai vus bien d'autres accrochés aux grilles à taner leurs mamans pour le précieux goûter. Oui, j'en ai vus bien d'autres. J'en verrai encore, encore et encore, et tu ne peux pas savoir combien ça me rend heureuse.