Voisinage

Rencontre fortuite

Autre écrivain dans la maison

Ce matin, en sortant ma chienne je rencontre ma voisine. Nous échangeons quelques mots sur les interminables hivers à mille mètres, sur le potager couvert de neige, sur l’agaçant froid qui l’année entière s’empare de notre ville, sur ces étés frisquets qui tuent le moral, sur le printemps qui déjà s’annonce aux bords des lacs, sur les fleurs qui bourgeonnent aux pieds de la montagne du côté de Neuchâtel. Tout à coup elle me dit:

-Dis, je voulais te demander, tu as encore des contacts avec la presse? Tu écris non?

La question m’a surprise. Il me semble toujours étonnant qu’on se souvienne encore qu’un jour ou l’autre j’ai travaillé pour la presse. Qu’autrefois, j’avais un réseau. Que j’écris. Que j’ai même été publiée.

Je savais de ma voisine qu’elle a effectué de hautes études. Qu’elle exerce un sérieux et respectable travail qui prête peu à rêver. En revanche j’ignorais qu’elle est un auteur publié. Elle m’a invité boire un café dans un bar de l’Avenue Léopold-Robert. Ensemble nous avons évalué le rôle de l’éditeur pour l’auteur, disserté sur la place qu’accordent les éditeurs aux auteurs, râlé sur ce milieu élitiste, fermé à ceux qui ne savent pas se connecter sur le mode “copinage”.

Cette rencontre, suivie de la discussion devant un arabica, m’a fait grandement plaisir. Dorénavant, quand ma condition d’auteur incompris entamera mon moral, je penserai à elle et me sentirai moins seule, dans l’exigu périmètre de ma maison, à être confrontée aux affres de l’écrivain maudit.

Titre: Corneille fatiguée en bleu pastel, à l’affut d’un perchoir pour se reposer.