Qui chante là quand toute voix se tait ? Qui chante
Avec cette voix sourde et pure un si beau chant ?
Serait-ce hors de la ville, à Robinson, dans un
Jardin couvert de neige ? Ou est-ce là tout près,
Quelqu’un qui ne se doutait pas qu’on l’écoutât ?
Ne soyons pas impatients de le savoir
Puisque le jour n’est pas autrement précédé
Par l’invisible oiseau. Mais faisons seulement
Silence. Une voix monte, et comme un vent de mars
Aux bois vieillis porte leur force, elle nous vient
Sans larmes, souriant plutôt devant la mort.
Qui chantait là quand notre lampe s’est éteinte ?
Nul ne le sait. Mais seul peut entendre le cœur
Qui ne cherche la possession ni la victoire.
Philippe Jacottet, in Poésie (1946-1967)