Alors qu'en Guadeloupe tout un peuple se prépare à renoncer à ... Alors que de par le monde tous les peuples se préparent à ... Alors que dans les prisons tout une population carcérale se prépare à ... Alors que dans les cités ouvrières toute une jeunesse délinquante se prépare à ... Alors que là bas, tout au bout de la terre, tout un grouillement indistinct d'individus suspects se prépare à ... Alors qu'aux urgences de la Salpétrière tout un corps se prépare à ... Alors que dans une cabine téléphonique, du côté de la gare tout un clochard se prépare à ... Alors que dans mon quartier tout le monde se pré ... dort du sommeil du juste, je fais ici dans l'épais brouillard élevé sous la nuit, le décompte de ce qui, préparé ou pas, s'en va disparaître sans que j'en ai vu la manifestation.
Un monde tout entier et qui à peine révélé à ceux pour qui voir n'est pas cibler ni mettre en joue s'éteint sous l'oeil de poisson crevé de la machine Darwiniste à faire évoluer le profit. Une palpitation d'oiseau, l'ouïe d'un poisson suffoquant, les brins que nous étions dans l'écheveau des nations somnambules. Cette liberté que nous avions de n'être rien au delà du regard de ceux qui nous aimaient. La veine jugulaire du porc qu'on égorge. Le sang toujours versé par la vie généreuse. Un tout petit bout d'âme en chacun, sous la colère, comme sous la pierre plate l'épinoche qui piquait et fuyait quand le soleil de nos doigts la délogeait. La pesanteur trompeuse de la Loire. Le Cher où je finissais toujours par me noyer, rien qu'en y plongeant mes regards. Sans oser remuer ne serait-ce que la souche sous laquelle reposait mes envies de meurtre.
Ce que nous en avons fait des cauchemars ! Des rêves où le pouvoir tenait le rôle absurde d'une mécanique abrutie par le consentement. Ce que nous en avons refusés des réveils de casernes, des ordres indignes de ce nous croyons être le sel de la terre. Ce que nous en avons versées de ces larmes corrosives au pied des bureaux d'où la sanction tombait. De bouches à oreilles. Ce que nous en avons traînés de ces chants qui enflaient l'air d'un peu du soufre de la révolte. Ce qu'il faut avoir oublié pour pouvoir en riant tête baissée, voir venir sans broncher ce que d'aucun appellent le génocide social. Et encore que ceux là ne sont pas ceux qui l'appellent de leurs voeux. Ceux là ne font pas de voeux, ils s'exposent, brin à brin à s'écheveler, une dernière fois. Une toute dernière tentative de résistance aux prières d'achever. Vite et bien, d'achever.