Un parpaing, deux parpaings, trois parpaings, quatre parpaings…

Publié le 28 février 2009 par Wawaa

Jeudi fût une journée follement excitante. Oui, excitante. Nous devions, mon papa et moi, recevoir les parpaings, le sable et le ciment pour bâtir les murs de refend qui vont soutenir le nouveau sol tout beau tout neuf du salon. Evidemment, comme je n’ai pas de jardin et que tout est arrivé sur palette, il a fallu prendre son courage à deux mains, à deux pieds, à plein d’muscles et rentrer tout ça, unité par unité dans la maison.
Le camion est arrivé à 9h30 du matin par la petite ruelle qui longe la face Nord de ma maison.  C’est une ruelle plutôt étroite et à sens unique. Pendant que la marchandise était déchargée soigneusement sur le trottoir, j’avais un rôle crucial dans l’organisation de l’événement : aller détourner les voitures à l’entrée de cette ruelle, le temps de la livraison. J’ai donc joué mon rôle avec un grand sourire et conviction, 7 ans de commerce (mon dieu, 7 ans ! Je suis vieille) ça forme pour ce genre de situation. Et comme j’ai toujours beaucoup de chance, j’avais en ma compagnie un monsieur qui semblait être de la catégorie « blaireau en manque ». ET MERDE, FALLAIT QUE CA TOMBE SUR MOI. Trop veinarde. Il attendait devant chez la vétérinaire, patiemment. Ses vêtements, couverts de plâtre, laissaient penser qu’il travaillait dans le bâtiment. Je n’étais mieux vêtue, je l’avoue, couverte de poussière et coiffée plutôt à la mode, mais oui vous savez, les cheveux en pagaille, dans tous les sens et que tout le monde trouve ça trop super fun top tendance. Bref, la classe incarnée la wawaa, le charme à l’état pur, un sex appeal du bâtiment , à coup sûr ou pas. Le monsieur, donc, n’arrêtait pas de me faire des sourires niais. Pourtant, vu l’avancée fulgurante de sa calvitie très mal camouflée par ses cheveux mi-long et ses quelques rides naissantes, il aurait presque pu être mon père. Et je ne suis pas gérontophile. C’est juste que les vieux m’aiment bien. Quand je vous dis que je suis une veinarde, moi. Manque de bol, après ses multiples sourires, il a émis des sons qui formaient des mots qui eux-mêmes formaient des phrases. « ALERTE ROUGE, il me parle », pensais-je à ce moment là.
Lui : « Vous êtes dans la maçonnerie ? », bien sûr cette remarque ne m’étonna point, moi qui était blanchie par les poussières des gravats et bloquais la route pour qu’un camion de matériel décharge une livraison.
Moi : « Non non ! »
Lui : « Vous faites des travaux ? ». Non non, j’élève des chèvres de Patagonie dans ma cave.
Moi : « Et oui, avec mon papa ! ». Précision très importante, pour dire que Papounet n’était pas très loin et qu’il pouvait à tous moments venir lui casser la gueule et à la limite pour faire genre que je suis très jeune. Mais, en fait, je crois que je fais mon âge.
Lui : « Vous savez si le vétérinaire va arriver ? », je ressemble au type moustachu et en short rouge de la pub 118 218 ou quoi ?
Moi : « Aucune idée »
Lui : « En fait, un rapace s’est cogné sur ma voiture, alors pour le sauver je l’ai amené ici. Ah ha ha ha, riait-il fièrement. Je me suis pas gêné moi, je me suis arrêté comme ça, au milieu de la nationale, j’ai bloqué la route pour le ramasser. » Mouais, joli geste, un peu dangereux, mais ça part d’une bonne conscience écologique, mais cela ne va pas pour autant m’attendrir et je suis pas spécialement sensible aux prouesses chevaleresques modernes.
Moi : « Oh chouette ! », oui c’est un jeu de mot, rapace, chouette …j’ai osé, mais j’étais la seule à comprendre, et je m’en contrefiche.
Lui : «  Il est sonné ! »
Moi : « Normal. », ou l’art de la réponse juste pour répondre.
Lui : « Vous voulez le voir, mon oiseau ? »
J’esquissai là un sourire en tournant la tête, m’esclaffant intérieurement du fait de toute la puissance sémantique que pouvait prendre cette question en dehors de ce contexte.
Moi : « Si vous voulez ! »
Il ouvre son coffre. Un joli rapace à l’œil quasi-ouvert est tapi sur le fond. Je m’éloigne un peu, car non seulement de devoir surveiller les voitures qui arrivaient, j’ai eu la crainte que, dans un élan de frayeur, le volatile assommé veuille tout à coup me bouffer l’œil.
Lui : « On est bien là au soleil, pis c’est joli ici, hein ? » PITIE, PITIE ! Pas la conversation sur la pluie et le beau temps ! Pitié ! Je veux pas !
Moi : « Oui, le printemps arrive ! »
Lui : « Vous faites les travaux vous-mêmes ? », tiens ça te repasse maintenant, surtout que je te l’ai déjà dit !
Moi : «  Oui, c’est moins onéreux ! »
Lui : «  Si vous avez besoin d’un carreleur, hein ! »
Ah mais en fait, il me drague même pas, il cherche du travail ! SALE GOUJAT VA ! En même temps, je préfère ça. Il commence à me raconter qu’il se plait dans le Sud-Ouest. Ouf, la véto arrive, je suis sauvée. Je jette un œil au fond de la ruelle, mon papa me dit de venir, ayé ! Tout est déchargé ! 4 palettes de parpaings (350 en tout), 2m cubes de sable et 5 sacs de ciments.
C’est à ce moment là qu’il faut s’encourager psychologiquement et se dire que c’est une journée pleine de transpiration et de douleurs musculaires qui s’annonce. Mais comment rentrer tout ça ? Mon papa est véritablement le plus intelligent des pères, et je ne dis pas ça par flagorneries parce qu’il fait les travaux, non, c’est le plus intelligent des papas, point. Il a agrandit le soupirail de la cave qui donne dans cette ruelle et on a tout passé par là. Il a d’abord empoigné sa pelle pour rentrer le mètre cube de sable sans caillou. Pendant ce temps là, dans la cave, je remplissais au fur et à mesure la brouette pour amener ledit sable à un autre endroit. Pelleter, c’est amusant. Pousser une belle brouette jaune aussi. Une fois qu’il eût fini, il est venu m’aider. Une fois le gros tas de sable déplacé malgré quelques péripéties avec cette brouette jaune qui n’a de flamboyant que sa couleur, nous étions bien content d’avoir déjà fait ça. Ce qui est fait, n’est plus à faire.

Nous avons continué notre sport par les parpaings. Chacun avec nos gants pour protéger nos mains des agressions intempestives de ces derniers, moi dans la rue et lui dans la cave, nous avons rentré, un à un les parpaings de 14 kilos et ceux de 7 kilos. Les gens qui passaient en voiture semblaient intrigués. Les gersois seraient-ils vieux jeu ? Une femme qui travaille avec ce genre de matériau, est-ce si choquant ? Nous avons pris un bon rythme, ce qui nous a permis de rentrer un première mètre cube de sable et deux palettes de parpaings en 1h30. Midi sonnait, et nos estomacs hurlaient famine. Nous avons donc laissé le reste là, bien collé au mur sur le trottoir, pour rentrer chez mes parents , manger les délicieuses lasagnes que ma maman nous avait mis au congélateur avant de partir une semaine en vacances. Après avoir repris des forces, nous sommes retournés chez moi pour terminer les deux dernières palettes et le dernier mètre cube de sable. Mais l’après-midi, ce n’est pas pareil, la vitalité est moindre.

Les dames âgées qui passaient par-là étaient bien curieuses. « Vous êtes le maçon ? ». « Non, je suis la propriétaire, répondis-je fièrement », « Vous faites des travaux ? ». Non, j’élève des chèvres de patagonie dans ma cave, j'ai dit. Un peu plus tard, un parpaing m’agressa impunément : crak, sur le mollet, me voilà donc orné d’une belle griffure entourée d’un bleu « hématome » charmant. 1h30 s’est écoulée depuis le premier parpaing de l’après-midi, quand nous avions fini de rentrer tout ça, et après que j’eus balayé le trottoir et la route pour effacer toutes traces de nos activités, les deux vieilles dames sont repassées ne pouvant s’empêcher de faire remarquer que nous avions fait place nette. Et au final, ma cave est bien pleine !



Gersicotti Gersicotta et les croix gersoises.
Pondéralement vôtre parle aussi de parpaing !
Un mot un jour préfère la brique rose !