Elle lui avait précisé, les yeux brillants : « Quoi que tu me dises, dis-le avec des fleurs ! » Sa phrase l’avait alors fait sourire.
Quand il l’avait rencontrée, neuf mois plus tôt, c’était une rose ingénue dont il avait fiévreusement convoité les pétales veloutés. Il se souvenait de la première fois où il avait écarté les fougères fraîches qui cachaient la robe pourprée de son sexe tremblant. Comme elle avait frémi quand il avait recueilli ses perles de rosée du bout de ses lèvres assoiffées !
Et maintenant, il devait lui expliquer avec des fleurs. Il lui achèterait des roses rouges, le rouge avait toujours plu aux femmes. Mais saurait-il lui dire, lui qui était toujours parti comme un voleur ? Combien de femmes avait-il quitté, cinquante ? Soixante ? Soixante-dix ? Il lui faudrait les recompter à tête reposée. Elle était si jeune. Tout juste dix sept pétales, alors que lui, chargé de ses cinquante ans, dévalait la pente de la montagne plus vite qu’il ne l’aurait souhaité. Il arrivait encore à cueillir quelques herbes folles au passage, mais à quel prix.
Le jeu avait assez duré. Une fois l’innocence cueillie, il n’avait plus ni désir, ni plaisir : restait l’ennui. Il décida de joindre au bouquet de roses rouges le début d’un poème de Paul Géraldy qu’ il ferait simplement suivre des dates de début et de fin de leur liaison, ainsi que de son prénom. Elle comprendrait.
« Tu avais jadis, lorsque je t'ai prise,
il y a trois ans,
des timidités, des pudeurs exquises.
Je te les ai désapprises.
Je les regrette à présent.... »
23 mai 2008 – 23 février 2009
Simon.
PS : texte écrit sur une consigne des "impromptus littéraires"