Magazine Journal intime

De l’accueil des étrangers et de l’usage des bancs publics au beau pays de Carla et Nicolas

Publié le 01 mars 2009 par Alainlecomte

Ça commence avec une histoire de tous les jours comme on en entend trop par les temps qui courent. Une histoire de bancs publics, d’arrêté de reconduction aux frontières, de juge et de préfecture.

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On embarque de plus en plus souvent les sans-papiers suite à un simple contrôle dit de routine auprès de gens qui  benoîtement prennent le soleil dans un square ou un jardin public. Les policiers en principe n’ont pas le droit de procéder ainsi. Cela s’appelle délit de facies. Mais ils peuvent toujours inventer. Inventer qu’ils ont cru sentir une odeur de cannabis par exemple et qu’ils ont soupçonné la personne de fumer un joint.

Il s’avère alors qu’elle n’a pas de papiers, alors ouste !, on l’emmène au centre de rétention le plus proche.

Ou bien, l’étranger dépourvu de titre de séjour est en attente d’un recours formulé auprès du Tribunal Administratif suite à un refus de statut de réfugié : en principe, il a le droit de rester sur le territoire, mais comme tous ces recours encombrent les tribunaux, le Conseil d’Etat a cru bon d’autoriser les préfets à agir en urgence, au gré de leur pouvoir discrétionnaire : ils peuvent désormais prendre un arrêté de reconduite immédiate aux frontières, même sans attendre le résultat du recours.

Les aides aux associations se tarissent : une association locale, La Pause, qui jusqu’ici se débrouillait pour loger les ni expulsables ni régularisés (par exemple  ceux en attente de recours) vient de perdre 95% de son financement par la DDASS, autrement dit tout.

Dans deux semaines, quarante deux logements sur l’agglomération grenobloise seront vidés, et cent quarante personnes (avec enfants, parfois en très bas âge) vont se retrouver à la rue (outre le licenciement de huit salariés).

Parmi eux mes « filleuls républicains ».

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cérémonie de parrainage républicain, commune de La Terrasse (38), juin 2008

Comment, quand on a entre vingt-cinq et trente ans, l’âge où l’on met en place ce qui sera notre vie d’adulte, peut-on vivre traqué, sans ressources et condamné à l’inaction des journées entières ? Comment sans développer des angoisses, puis des maladies ? On est là, dans un pays que l’on a cru accueillant, parce que lui est kosovar et elle serbe et que nul dans le pays d’origine ne veut entendre cela, qui sonne comme un crime de mésalliance, comme une trahison. On a déjà essayé de vivre au Kosovo, cela s’est mal passé, on s’est fait rosser, on a reçu des menaces de mort. Impossible de songer à une vie décente. Pas de moyen d’exercer une activité au grand jour. Et puis les bandes, ces résidus de la vieille armée de libération, aujourd’hui « sans travail » vous guettent et vous rançonnent. L’Etat français ne prend pas en compte cela : le Kosovo est officiellement en paix. Leurs histoires de couples mixtes, ce sont leurs histoires, on ne veut pas se mêler de ça.

Or qui parmi nous accepterait un tel sort ? N’avons-nous pas érigé en liberté première celle d’aimer qui nous voulons et de vivre avec la personne aimée en toute quiétude ?

Les politiques, et l’ignoble Besson en premier, vont ici à nouveau brandir l’affreux adage jadis promulgué par Michel Rocard : « la France ne peut pas etc. » (quel cadeau il leur a fait ce jour-là). Parole vide : bien sûr que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais c’est justement parce que c’est tellement évident (comme si quelqu’un avait dit un jour : eh ! tiens, au fait, la France pourrait bien accueillir TOUTE la misère du monde ! hein, pourquoi pas ?) que nous sommes amenés à penser que cette phrase signifie autre chose que ce qu’elle dit, et dans un tel cas, les lois de la pragmatique (dites aussi « maximes de Grice ») nous disent qu’il faut chercher la signification la plus proche et la plus plausible compte tenu du contexte. En l’occurrence : « la France ne doit plus du tout accueillir de misère extérieure ». Politique mise en œuvre de façon cruelle par le présent Guignol à la tête de l’Etat, et ses sbires d’Hortefeux en Besson.

Car que l’on examine au cas par cas les demandes d’asile ou de titre de séjour, soit. Mais alors tous les doutes doivent bénéficier aux demandeurs, et en tout cas, on ne se donnera pas de chiffre a priori. Tel devrait être la seule politique généreuse et cohérente.


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