Bon, faites un peu attention où vous mettez les pieds ! Le terrain est miné. Et comme nous ne sommes pas vraiment déterminés à jeter par dessus bord les quelques qui font écran par le fumeux de leurs discours empêtrés, nous allons devoir marcher au pas. Au pas cadencé des forçats volontaires et empressés à pas perdre le rien qui leur reste.
Sous ma paillasse j'ai serré un petit quignon de pain dont l'ouvrier Roumain, le plombier polonais, le Magyare aux yeux injectés de sang, le balte, la blatte d'outre-Danube réclame sa part. Sa part ? Mais quelle part ? Ne sont-ils pas contents qu'on les ait libérés par Wojtyla Jean Paul notre saint père crevé ? Sont-ils pas reconnaissant ? Voudraient-ils aussi croquer dans le moisis de la mie racornie. Et l'asiate alors ! Y a qu'à se servir
On nous assaille ! On en veut à nos produits régionaux, à nos AOC, nos pinards, nos oies, nos bovins encartés, nos lumières au fond du couloir, première porte à gauche et tirez la chasse, svp ! Aux armes ! Aux armes ! Pauvres protégeons nous de la misère des autres, Votons ! L'Europe ? Validons ! Les traités ? Plébiscitons ! Pas une minute à perdre. Au pas cadencé, la dernière cadence infernale qu'il nous reste à tenir.
Mais rassurés soyons nous, pas de conflits à l'horizon. Paisibles sont les paysages de ce matin, le second sur Mars. Nous flottons à l'aise, l'air est rouge, le sang est bleu, la sélection est naturelle. Les charters me passent par dessus la tête, dans les rues les suspects filent dans l'ombre du travail au noirte :
- Monsieur l'agent ! Monsieur l'agent ? Je crois que lui là, il est pas ... Enfin vous voyez ! Mais non pas de quoi ! C'est naturel. Entre français faut bien s'aider, être solidaires. Seuls les humains savent comment on peut apprendre à marcher au pas, en apesanteur. En avant ... Mars !