J e dirai moi-même, dans la
mesure où je connais un peu la chose par expérience : lorsque tu demeures dans
l'
hésykhia, le jour ou la nuit, priant continuellement Dieu, sans
pensées, humblement, et que l'intelligence est épuisée d'appeler, que le corps
est douloureux et que le cœur n'éprouve plus ni chaleur ni joie, trop concentré
par la fréquente invocation de Jésus, qui donne la résolution et la patience à
celui qui combat, alors lève-toi, psalmodie, seul ou avec ton disciple, ou
occupe-toi à méditer une parole, à te souvenir de la mort, à travailler de tes
mains ou avec les autres membres. Ou bien applique-toi à la lecture, plutôt
debout, pour que le corps soit à la peine. Quand tu es debout à psalmodier
seul, dis le
Trisagion puis la prière du Seigneur, avec ton âme ou en
esprit, et l'intelligence attentive au cœur. Si l'acédie te presse, dis encore
deux ou trois psaumes et deux tropaires pénitentiels, sans chanter. Ces
tropaires ne se chantent pas, dit Jean Climaque. La peine du cœur, vouée à la
piété, leur suffit en effet pour apporter la joie, comme dit saint Marc, et la
chaleur de l'Esprit leur est donnée, avec la grâce et la réjouissance. Pendant
le psaume, dis aussi la prière en esprit ou avec ton âme, sans distraction, et
l'Alléluia. Tel est l'ordre des saints Pères, de Barsanuphe, de Diadoque, et
des autres. Comme dit le divin Basile, il faut varier chaque jour les psaumes,
pour stimuler la résolution, et pour que l'intelligence ne soit pas lassée
d'avoir à chanter toujours les mêmes psaumes. Au contraire, il faut lui laisser
la liberté, et elle sera renforcée dans sa résolution. Mais si tu psalmodies en
compagnie d'un
disciple fidèle, que ce soit lui qui dise les psaumes. Toi,
secrètement attentif et priant dans ton cœur, garde-toi. Avec l'aide de la
prière, méprise toutes les pensées qui montent du cœur, qu'elles viennent des
sens ou de l'intelligence. L'
hésykhia est, en effet, le dépouillement
momentané des pensées qui ne viennent pas de l'Esprit, afin qu'en prêtant
attention à ce qu'il y a de bon en elles, tu ne perdes pas le meilleur.
saint Grégoire le Sinaïte : chapitres ou
méditations spirituelles (3/9)