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Plus ou moins loin du soleil

Publié le 03 mars 2009 par Pffftt
Je n’ai pas décroché du soleil une seule seconde.
C’est comme si ce con de truc brûlant m’avait oublié tout ce temps.
A travers la grande baie vitrée je n’ai pas décroché.
J’ai cette capacité à faire statue au monde durant des heures…
…on m’oublie même.
Je devinais les sursauts de la machine à laver, tes mains à toi plantées de petits éclats de bois, l’oiseau gris hésitant sur son perchoir et le museau du chat frémissant du haut vers le bas du toit.
A aucun moment je n’aurai su décrocher parce que c’était presque abdiquer, reconnaître tous mes torts à cette résistance absurde et vaine…
Il ne se passait toujours rien et le soleil ce salopard tentait le diable pour quand même me convaincre que si, peut-être…
Tu m’avais fait promettre de ne jamais abandonner les histoires. Les femmes nous font faire ce genre de promesse absurde et sans tenue de rigueur possible…
Je te devinais dans le jardin à quelques pas de moi, fumant ta roulée, les yeux dans le néant, une brindille du lilas agrippée dans tes cheveux, la fragilité de ta nuque, l’activité incessante derrière tes tempes…mais je n’ai pas décroché du soleil, et dans un bonheur paisible et traître le cocktail des lutins mutins m’emportait.
Sans un bruit pour t’avertir.
Je suis comme un livre pour enfant, mais sans les images, sans le voyage, avec de sinueux virages, et j’en ai le mal de mer.
Je n’ai bien sûr pas décroché du soleil et tu te doutes maintenant comme j’ai pu m’y perdre.
J’ai bien cru sentir de loin les pores de ma peau rétrécirent et ça sentait doucement le mec en train de cramer.
Par moments plus distants et pesants, les rayons de chaleur disparaissaient mais je n’aurai pas su me sortir de là pour autant.
Comme une magie noire qui préserverait d’un autre sort, je tournais en rond, et je finissais par aimer ça plus que le café, la nicotine, le sexe.
A cet instant je savais Le monde qui m’entoure ne serait plus jamais le même que le tien. Toujours les autres m’en voudraient et te regarderaient souffrir, impuissants et me maudissant.
J’ai des doutes pourtant sur qui a bien su décortiquer le vrai du faux…car…
…moi je flotte
…moi le temps m’échappe
…moi je suis zombi
…moi mes nerfs semblent anesthésiés
…moi je résiste à en crever, à toujours vouloir tout emmener dans mon sillage et j’écroule alors les derniers remparts…ni triste, ni gai.
Lorsque toi, tu as depuis longtemps et très intelligemment abdiqué.
Lorsque toi, ton visage est d’aurore.
Lorsque toi tu ne dois pas changer de moi…jamais.
Mais je n’ai pas su décrocher du soleil…
Même lorsqu’il t’a pris de gueuler mon prénom à en fracturer tes cordes vocales, de secouer ce qu’il restait de ma carcasse, de composer le 17.
J’ai aimé m’enfoncer, ne plus entendre les bruits familiers, ne plus devoir chercher les repères, cesser d’inventer des histoires et ne plus jamais avoir à me faire chier ensuite à les mettre en mots dans ce putain de carnet, feuille blanche sur feuille gribouillée…
Il s’est d'ailleurs échoué sur la moquette en même temps que mon corps trop plein et lourd, dans un bruit mat et presque irréel pour moi, alors que dans ta tête pour toujours je comprends qu’il raisonnera comme l’horreur.
Je te demande pardon.
Pour ça.
Sur le sol un peu dur, les guignols du SAMU 79 qui s’affairaient à me rendre un souffle dont je ne voulais plus, ton regard immense et insondable soutenant l’injustice de la situation, mon carnet de merde ouvert sur la dernière page blanche et coincé sous ton genou droit, le cocktail des lutins mutins terminant sa course folle contre les parois flippées de mon cœur après avoir offusqué mes poumons…j’ai senti ma tête basculer vers toi, mon oreille touchant un truc un peu mou et froid, du liquide chaud sortant de loin derrière ma paupière…et je n’ai pas eu d’autre choix…
…j’ai décroché du soleil, j’ai décroché de toi et de la terre entière…
Et enfin, je n’étais plus un homme.

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