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Puis nous rentrons chez nous

Publié le 05 mars 2009 par Unepageparjour

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Puis nous rentrons chez nous. Je marche devant, Rio dans les bras, qui pèse de plus en plus, accroché à un sein. Hack, à mes côtés, s’est muré dans le silence. Ses pensées s’égarent au-delà de nos frontières, vers les hommes du fleuve, sans doute, ou les hordes de lions, qui nous narguent parfois, quand les troupeaux s’éloignent. Les autres ferment la marche, se relayant pour porter la carcasse encore tiède. La tempête est passée, laissant peu de trace, si ce n’est cette petite morsure, au bas de mon ventre, toute petite, vraiment, mais dont la plainte lancinante occupe un coin de mon esprit. Malgré les images qui s’y pressent en foule. Malgré le foisonnement des couleurs, le bruissement des corps, les haleines fumantes, les oreilles dressées, les cornes pointées vers le ciel, les mâchoires broyant les herbes juteuses. Je vois des échines frissonnantes, des sabots frappants la poussière, des gueules ivres de salive, des respirations rauques, des masses lourdes qui courent, si légères. Tout est ravissement ! Je cherche à chaque pas le gris mordoré, le fauve écru, le blanc étincelant, le noir infini. Mes doigts tressaillent, déjà, de sentir la paroi magique, à l’idée de sortir du néant des troupeaux avides de souffle. J’accélère. Je cours, presque.

Hack me rattrape. Sa main pèse sur mon épaule, telle une plaque de roche.

« Attends », m’ordonne-t-il. « Qu’y-a-t-il de si pressé ? Ne m’as-tu pas dit à l’instant qu’il y avait d’autres femmes pour veiller sur le feu ? »

« Si ! », je veux bien l’admettre. « Mais je suis pressée de rentrer, pour peindre sur le mur ! ».

Hack hoche la tête, en me libérant.

« Pauvre fille ! N’as-tu vraiment que cela à faire ? Etaler sur le mur tes saletés de fleurs écrasées ? Alors qu’il y a tant de fourrures à préparer pour cet hiver ! Tant de silex à tailler pour affronter les hommes du fleuve, se défaire des lions et tuer de plus en plus de bêtes ! »

Je ralentis un peu, de peur qu’il ne m’interdise à tout jamais d’assouvir cette passion qui me dévore, qui hante mes rêves et assoiffe mes jours. Peindre ! Je veux peindre ! Je veux écrire sur la paroi de notre grotte !

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