Sache, ami lecteur, qu'au temps déjà presque lointain de ma bucolique retraite au plus
profond des vertes contrées normandes, il fut un élément qui, plus que tout autre, contribua au bien-être moral et physique, sinon de ma modeste petite personne, à tout le moins de ma
merveilleuse et méritante compagne (qui, dans sa tolérance illimitée et sa propension au pardon rapide, révèle un subtil croisement de Mère Thérésa et de Soeur Emmanuelle, si tu me connaissais un
peu, tu comprendrais pourquoi).
Cet élément, cher lecteur, se nomme: PDM.
Fichtre, encore un acronyme barbare, me diras-tu.
J'opine.
Je réfléchis.
Je constate mon erreur et t'accorde un point.
Je rectifie.
PDM, donc, pour "Pas De Média".
Car je me dois de te le confesser, au fin fond de la Baie du Mont Saint-Michel, dans ces petits villages du terroir où les éboueurs ne passent exclusivement que le lundi et où l'on compte bien
davantage de ruminants que d'êtres humains (quoique parfois, la confusion puisse se comprendre), il est aussi aisé de capter un signal Wi-Fi sauvage que de capturer une tanche adulte à mains nues
par un soir de pleine lune dans les plaines désertiques du Serengeti.
Par conséquent, je fus dramatiquement privée de tout contact avec l'actualité pendant quinze merveilleuses, longues, interminables journées.
Bien entendu, tu me rétorqueras avec bonhomie que la télévision ne fut point inventée pour satisfaire les bas instincts des moutons Grévins, mais bien plutôt pour nous, joyeux individus tout
aussi bêlants, avides de spots publicitaires et d'émissions de télé-réalité avilissantes, et qu'il me suffisait donc de tourner le bouton du-dit téléviseur pour me reconnecter avec la
civilisation et son cortège de bonnes nouvelles.
Certes.
Certes.
Mais, vois-tu, Laurence Ferrari et moi, ce n'est pas ce que l'on appelle communément une grande histoire d'amour, bien que Dame Nature l'ait généreusement pourvue d'appâts qui, en temps normal,
me rendent étrangement une présentatrice fort sympathique, fût-elle aussi peu cortiquée qu'une huître du bassin d'Arcachon.
Quant à David Pujadas, ne m'en veux pas, cher lecteur, mais c'est plus fort que moi: sitôt qu'il apparaît sur l'écran, je suis prise d'une frénésie de ménage inexplicable et me mets à passer
l'aspirateur dans toutes les pièces, après avoir hystériquement désinfecté les surfaces carrelées à grands coups de Javel.
Tout ceci pour te dire que, durant mon exil normand, je n'ai pas eu accès à l'information nationale, ni internationale d'ailleurs, ce qui a permis à ma douce moitié de souffler un peu, entre deux
de mes éructations primairement anti-sarkozystes et trois de mes pathétiques "enculés!" braillés à l'adresse des soldats américains, des barbus enturbannés, des ministres UMP, des
agriculteurs de la Creuse et des pétasses peroxydées qui défilent quotidiennement sur nos écrans.
Bien évidemment, je n'ai donc pas du tout été à même de suivre cette affaire de balles perdues, dans laquelle un misérable terroriste en herbe (sans aucun doute un ultra-gauchiste fatigué de saboter des lignes SNCF à coups de Malabar et
désireux de mettre la France à feu et à sang afin de la livrer sur un plateau aux héritiers de Joseph Staline) a décidé de succéder à John Boothe, à Charles J. Guiteau et à Lee Harvey Oswald en accrochant à son tableau de chasse les têtes de quelques coqs et dindes
de (basse) cour.
Il semblerait que notre dangereux assassin potentiel ait finalement été
confondu (sans doute par des traces ADN retrouvées sur le dernier Malabar ayant servi à décoller un catener, à moins que je ne confonde encore).
Il ne m'appartient pas de juger de la justesse des arguments des uns ou des autres dans cette affaire, bien que tu te doutes, ami lecteur, de mon sentiment sur le sujet.
Cependant, il est à mon avis fort regrettable que notre amateur de gros calibres n'ait pas plutôt jeté son dévolu sur un équivalent moderne de l'attaque de diligences, façon Jesse James, en
préférant intercepter nos ministres à bord de leurs luxueuses voitures de fonction, plutôt que d'envoyer des courriers mal orthographiés à l'Elysée.
S'il avait visionné ce vieux reportage, je suis certaine qu'il n'aurait pas hésité.