Comme un coup de fil…

Ne dit-on pas, pafois, que la vie tient à un fil ou que le bonheur, c’est simple comme un coup de fil…
Hier soir, un appel inattendu m’a touchée, bien plus que je n’ai voulu le montrer ou le démontrer… C’était une journée morne et finissante, une de plus à rayer sur le calendrier, une de moins à l’hiver monotone et j’allais préparer le repas. Mon téléphone a sonné, j’ai sursauté sans savoir pourquoi.  Je n’avais pas de lunettes, je n’ai vu qu’un numéro flou sur l’écran de mon portable. J’ai dit allo d’un air méfiant presque défiant, en pensant, qui est-ce encore ?
C’est la première fois en tant d’années que je ne reconnais pas sa voix, enrouée, embrumée, enrhumée. L’homme au bout de cette tonalité m’est apparu las, très fatigué. Il avait du vague à l’âme. Je l’ai senti cassé. Il avait trouvé un prétexte pour briser la glace et prendre de mes nouvelles. Pour parler, aussi… Il m’a avoué s’être blessé à deux reprises avec sa moto. J’ai pensé que son corps n’était pas seul à souffrir d’hématomes. J’ai entendu derrière les mots, saigner tout au fond de lui, les blessures infligées par sa vie…
Je n’ai rien su lui dire. Je n’ai su que badiner et lui raconter des banalités. J’aurais pu lui dire qu’il manquait à ma vie, que j’avais tous les jours envie d’aller bavarder avec lui sur MSN… Que j’avais peur qu’il m’ignore ou qu’il me rejette… Mais je n’ai rien dit. C’est tellement pratique d’exercer la même profession pour meubler les blancs qui s’insinuent dans la conversation derrière les alors… Parler de devis et de logiciels pour ne pas aller à l’essentiel… J’ai songé qu’on jouait encore un jeu de dupes et je me suis demandée lequel de nous deux sera le plus fort sur l’échiquier de notre vie qui court à grand pas. Je n’ai rien dit, je me suis tue, par habitude mais surtout par pudeur… Par peur aussi de rompre le charme de l’avoir, là à portée de voix… A-t-il entendu mes silences ? Oui, je le crois. On se connait tellement, lui et moi…
Je n’ai même pas eu assez de courage pour lui dire que son coup de fil m’avait touchée au coeur…