Humeur sur l'humour

Publié le 08 mars 2009 par Orage




Progrès-dimanche
Arts Édito, dimanche 15 février 2009, p. 43
Cours Saguenéen 101
De l'humour ?
Christiane Laforge

Au secours j'ai perdu le sens de l'humour! À moins que mon sens de l'honneur ou ma fierté saguenéenne prévale sur la soumission à une dérision condescendante de plus en plus flagrante d'une certaine l'intelligentsia.

J'ai regardé le Cours saguenéen 101 que diffuse les iStudio Cinéma Télévision sur le site Internet du film Le Bonheur de Pierre. Un film tourné à Sainte-Rose-du-Nord, comédie humoristique confrontant un français pratiquant le bonheur envers et contre tous, au sein d'un petit village peu enclin à y tolérer «l'étranger», un Français qui plus est. La bande-annonce du film est amusante et, connaissant le talent combiné des Pierre Richard, Rémy Girard et autres comédiens, nul doute que le 17 février prochain, nous passerons un bon moment lors de la première mondiale de cette production franco-québécoise. Rien à redire pour l'instant, même si, à l'instar des Ch'tis ou de La Grande séduction, le comique repose sur l'excès, voire la caricature de traits humains universels.

Sainte-Rose-du-Nord a déjà été le lieu de tournage de plusieurs grandes productions: Toby sur les courses de chiens de traîneaux, certaines scènes de Robe noire et Nouvelle-France. Mais tous ces films n'identifiaient jamais aussi clairement le site magnifique des trois anses de ce village sur la rive nord du Fjord du Saguenay.

Comment ne pas miser sur les retombées touristiques possibles d'une telle vitrine? Prêts que nous sommes à accueillir ces gens d'ailleurs, désireux de mieux connaître cette région et sa population la plus francophone du Québec.

Alors quoi? Pourquoi le Cours saguenéen 101 me blesse-t-il? Pourquoi ne me fait-il pas rire?

Que les métropolitains ou les gens d'outre-mer trouvent drôles cette «peuplade» d'une «bourgade» isolée, je peux les comprendre. Nul n'est à l'abri de l'ignorance. Paris Match l'a magistralement démontré dans son reportage sur le 400e de Québec.

J'ai en mémoire la très amusante leçon du «parler» québécois donné au public français par Linda Lemay. Je l'ai même trouvé savoureuse au point de le faire écouter à des amis européens. Aurais-je perdu mon sens de l'humour?

En écoutant le Cours de langue saguenéen 101 présenté par Louise Portal, je me suis sentie en terre étrangère. Le syndrome du Ch'tis a frappé notre comédienne, ambassadrice de sa région, qui se prête à un discours où l'on accentue des traits marginaux du langage populaire, non représentatifs et surtout en rien exclusifs au Saguenay - chesse, frette, boswell (??), l'élision de l'accent sur dépanneur (?), etrange (?), l'ineffable «là là» - dans une forme caricaturale peu flatteuse. Que ces expressions fassent partie du paysage ne signifie pas que c'est la norme. Et l'autodérision, que l'on nous souhaite, suppose un fond de vérité. Une vérité avec laquelle les scénaristes de iStudio prennent beaucoup de liberté, nous attribuant des expressions peu ou pas connues ici. Un peu plus de rigueur aurait aidé à la digestion!

«Mais c'est de l'humour», insistent les Ghyslain Harvey (Promotion Saguenay) et les «gens» anonymes soi-disant amusés qui auraient «applaudi cette farce», affirment ses concepteurs. «C'était de l'humour», se défendaient les tenants du dernier Bye-Bye avant de se confondre en excuses, tout étonnés que certaines personnes se soient senties blessées plutôt qu'amusées. Non! C'est de la dérision frôlant le mépris. Ce mépris menant à la méprise irrespectueuse et vulgaire d'un député français, Pierre Lasbordes, accueillant le premier ministre du Québec Jean Charest en lui demandant: «J'espère que vous n'avez pas trop la plotte à terre» (sic), sous prétexte de faire de l'humour en parlant, croyait-il, comme les Québécois.

J'ai perdu le sens de l'humour. Nul besoin de me le dire. Je l'ai troqué contre le désir impérieux de convaincre «l'étranger» que les vents froids de nos hivers blancs insufflent à notre langue une poésie unique débordant des œuvres littéraires des Nicole Houde, Lise Tremblay, Michel-Marc Bouchard, Daniel Danis, Jean-Roch Gaudreault, Yvon Paré, Alain Gagnon, André Girard, Élisabeth Vonarburg, Gérard Bouchard et nombreux autres.

La promotion du film Le Bonheur de Pierre n'aurait certainement rien perdu à ouvrir sa tribune sur le monde réel de ce peuple du Fjord.

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