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Les préparatifs du festin

Publié le 08 mars 2009 par Unepageparjour

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Les préparatifs du festin nous accaparent. Tant et tant de chose à penser, à ordonner. Nous nous y mettons toutes, même les filles les plus jeunes, les toutes petites qui savent à peine marcher.

Les plus fortes découpent la grande carcasse raidie, avec l’aide de quelques hommes de bonne volonté. Les plus jeunes, celles dont la maternité n’a pas encore épaissie les hanches, ramènent d’avantage de branchage pour alimenter les flammes géantes. Les plus âgées vérifient la chaleur des pierres sur lesquelles grillera la viande. Elles ont déjà disposé près d’elle ces fameux os remplis d’herbes magiques, de baies aphrodisiaque et de racines piquantes, séchées, hachées, pilées, écrasées, par des lunes et des lunes de soins constants, qui transforment en délice les chairs les plus fades.

J’appartiens au groupe des jeunes mères, de celles qui récupèrent les quartiers de viande, pour les débiter en tronçons plus légers, moins épais. Je pose le morceau sur une pierre large, mon silex, long et fin, pointu comme une corne de taureau, pénètre dans la chair sans un bruit. Du plat de ma main, je dirige la lame au ras des os, avec précision, pour ne pas en perdre une lanière. La pierre devient rouge. Captivée un instant par cette transformation des couleurs, par ce passage du gris clair au rouge carmin, par ces mouvements aléatoires, presque imperceptibles, tels la métamorphose des nuages blancs dans un ciel d’été, je reste pensive, admirative, inactive, malgré les autres femmes, qui me houspillent, en me traitant de tire au flanc.

Puis je me lève, j’apporte le fruit de mon effort aux vieilles cuiseuses, qui disposent les tranches avec soin sur les pierres brûlantes, à la lisière du baiser des flammes. La graisse claque, sous les crépitements du feu. Fascinée, je regarde la pierre qui devient noire, au contact des braises. Emue, je sors de ma fourrure un petit os creux, que je remplis de cendres, et je retourne vers mes pierres maquillées de sang. Je ramasse un peu d’argile, de la fine argile ocre, et je la mélange, du bout de mes doigts, avec le sang séché. Magie ! Les couleurs s’assemblent, s’épousent, se marient, dans la pureté de la lumière du soir. Je reconnais la multitude des tons que prennent les pelages des bêtes. Des lions féroces, des buffles agiles, des gazelles s’élancent, devant mes yeux, dans ma tête, derrière mes rêves.

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