Le retour (gballand)

Publié le 09 mars 2009 par Mbbs

Aussi loin qu’il se souvenait, il avait toujours aimé faire souffrir. Il se rappelait le regard apeuré de sa cousine lorsqu'il avait achevé, de ses mains, l’oiseau visé avec le petit lance pierre qu'il s'était fabriqué. Quand elle avait hurlé, il lui avait plaqué la main sur la bouche en jurant qu'il lui ferait subir le même sort si elle continuait à gueuler. En sentant sa chair chaude palpiter contre lui, quelque chose s'était passée et ce quelque chose là, il avait fallu qu'il le retrouve, encore et encore.

Il n'avait jamais eu ni honte, ni remords, il était le plus fort. Torturer le faisait jouir. La première fois qu’il avait tué, c'était arrivé par hasard, et puis il y avait pris goût. Il se souvenait de la robe jaune de la première fille, le jaune l'excitait. Elle avait voulu s’enfuir, sa robe s'était accrochée aux ronces et il avait vu, sous le bustier déchiré, sa poitrine qui se soulevait par saccades. Il aurait juste pu la violer, mais elle l'avait regardé, jusqu'au bout, ses yeux bleus plantés dans les siens ; elle l’aurait dénoncé.

Jamais la police ne l’avait soupçonné. La seule erreur qu’il avait commise, c’était de retourner sur les lieux de son enfance. Après sept ans d’absence, sa mère l’avait vu revenir sans plaisir, il ressemblait trop à son père. Dès son arrivée, elle lui avait demandé quand il repartait, et il était sorti en claquant la porte. Le retour du prédateur, tu t'en souviendras, pensa-t-il méchamment. Il fit un tour dans le village, l’air désœuvré, pour s’arrêter enfin devant la boulangerie, il avait faim. C’est là qu’il la vit, à côté de la caisse. Elle le reconnut tout de suite. Elle avait juste dit « C’est toi ? », et sa voix avait tremblé. Il avait répondu quelque chose de banal et avait soupesé ses deux seins du regard. Il s’était rappelé sa chair chaude comme le pain ; la sève était montée d’un seul coup.


Le soir, il avait attendu la fermeture du rideau de fer, tapi derrière un mur et puis il l’avait suivie. Elle semblait ne pas l’avoir remarqué et avançait en balançant ses hanches. Elle prit la route du cimetière, les maisons s’espaçaient et c’est au bout de la rue qu’il lui attrapa le bras en l’attirant à lui. Il lui mit une main sur la bouche, puis il la força à le suivre vers le bois. Elle lui opposa moins de résistance qu’il ne l’aurait imaginé. Ce qu’il se passa après, il ne voulut jamais en parler.

* texte écrit  à partir d’une consigne du site des « impromptus littéraires »