La bordure. Le bord. Le fossé. La frondaison d’un monde qui à nouveau me repousse et me pousse dans un coin d’obscurité comme un paria. Suis-je un paria ? Sans nul doute. Mais il me faudrait des armes pour combattre le monstre, la sentinelle d’horreur qui agonisante sort encore ses pics de ça, de là, de ci, d’ici, là-bas… Je peux me demander les causes, je peux soulever des questions… Peu importe. Il faut du sang pour apaiser la colère. Le mien, mon sang. Mais n’en ai-je que trop perdu lors de multiples combats ridicules et sans façon ? Je me sens anémié ce matin, fatigué par une nuit de cauchemars, épuisé par un combat que je ne voulais pas, que je ne désirais pas. Douleur et sentiment. Un chapitre de ma vie qui est un livre à lui seul.
J’aime à penser au prochain épisode, à cette prochaine étape de l’existence, ce chemin de ma vie, ce tracé du destin qui m’attire de sa lumière. Est- ce pour cela que j’ai si mal quand je trébuche sur une pierre saillante, que mon genou plie et s’écorche sur le fil de la colère comme sur la lame d’une épée émoussée. Ce sont autant d’inconnue dans un mur d’inconnue. Une équation que seul le temps sait résoudre.
J’ai les pieds et les mains liées sur un lit d’hôpital. Ma gorge est terriblement sèche, j’ai beau essayer de déglutir, je n’ai plus de salive. Ma vision est trouble et je ne vois pas au-delà du premier mètre. Je ne comprends que plus tard, que la couleur beige des murs et celle du capitonnage. Je suis en cellule capitonnée. On m’a attaché, entravé de ma liberté dans cette cellule. Je ne me rappelle plus… Y a-t-il un asile tout autour ? Quand suis-je arrivé ici ? Quand me suis-je perdu ici ?
Tout à coup, à l’extérieur, j’entends des cris. Ils emplissent le silence comme une inondation d’insanité sur cette étendue de silence où je m’absorbe dans la contemplation du plafond. Elle arrive. Elle arrive pour moi. Je m’agite, je tente de m’arracher à ces liens. Je ne veux pas mourir ici. Mais je n’ai pas la force. Les esprits autour de moi s’éteignent un à un. Une peur qui grandit jusqu’à la folie, ou bien de la simple hébétitude. Puis la mort, dans un éclair sanglant de douleur. L’esprit est comprimé par ce corps mourant puis libéré, il s’évapore. Je n’ai jamais su ce que c’était… Y a-t-il un autre monde après ? Y a-t-il une suite après l’évaporation de l’esprit, après la mort du corps, après l’ultime secondes d’existence ? Je crois que je vais bientôt le savoir. Il n’y a plus un seul esprit autre que le sien dans le couloir qui mène à cette geôle. Elle arrive. Elle vient me chercher. Je ressens son esprit terriblement puissant qui m’écrase de toute sa détermination, sa colère, sa violence. Il n’y a pas d’échappatoire. Me voilà arrivé au terme de cette quête. Un terme qui à un goût de sang séché. Un terme qui me fait ressentir la mort de manière plus vivante que cette existence qui s’épuise comme une étincelle.
La porte gonfle sous la pression. Le cadre craque et se brise sèchement en deux endroits. Le temps s’arrête. Je ne suis plus que simple spectateur de la scène. Je n’ai jamais été autre chose qu’un spectateur… Je voir le métal se tordre et onduler sous les impacts. Elle joue avec moi. Elle veut me terroriser avant de m’achever. Et, alors que je croyais cet instant éternel, la porte fut arrachée et projeté dans le couloir. Et dans l’opalescence de la lune, sa silhouette se dressa devant moi.
— Eleken,
Torturé : ok, déprimé : ok, douleur : ok