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La nuit est tombée

Publié le 11 mars 2009 par Unepageparjour

Pour lire le début de Nono

La nuit est tombée sur notre clairière. Le feu dispute à l’ombre le droit de s’ébrouer au milieu du clan. Il monte, monstre pointu et chatoyant, au dessus de nos têtes, pour attraper la lune, qui, pâle et falote, est restée à l’écart ce soir, au dessus du bois, loin des rires et des chants. Autour de Hack, les hommes, gorgés de viande et de graisse généreuse, s’échangent maintenant les jus fermentés, en buvant à même les crânes.

L’alcool délie les têtes et lance les danses folles autour des flammes vives. Le signal est donné ! Les filles mêlent leurs silhouettes graciles à la fierté des hommes, des chasseurs vigoureux et terribles. Les mères hululent et frappent dans leurs mains, sonnant le rythme des corps, lent d’abord, comme le pas lourd du troupeau qui s’en va pour paître, et plus vite, quand les sentinelles blanches s’envolent, quand le danger rôde, puis de plus en plus rapide, quand les bêtes détalent au galop, devant les crocs des lionnes ou les silex des hommes, et le rythme devient fou, quand les proies et les prédateurs se mélangent. Des couples roulent sur le sol, certaines crient, d’autres rugissent, comme des louves amoureuses.

Je n’appartiens plus à celles-là. Rio, endormi contre moi, me le rappelle à chaque instant. Je reste assise, près de Klo, heureuse peut-être, dans ce sommeil éternel. Elle qui voulait tant fuir ces danses ! Elle qui refusait le sacrifice de son corps à ces brutes enivrées. Je l’imagine, courir encore vers le bois, plus prompte à se faufiler dans la nuit que le chasseur, plus habile à sauter par-dessus les troncs couchés sur le sol, plus maline à se dissimuler contre la terre.  Et l’homme qui s’en revenait, pleins d’invectives, les poings serrés, s’acharnant à courir derrière une autre, avant de s’effondrer, dompté par trop d’efforts, trop de nourriture, trop d’alcool, le nez dans l’herbe, pour s’endormir dans un repos sans rêves, qui l’emmenait jusqu’au lever du soleil, la tête broyée, le ventre douloureux. Il faut les voir, ces chasseurs effrayants, les lendemains de fête, penauds, voûtés, marchand à tâtons jusqu’à l’étang, pour reprendre quelques esprits dans la fraîcheur de l’eau.

Seul, Hack, reste vigilant, les traits durs, buvant peu. Je sais que l’expédition promise, cette vengeance qui me semble bien inconsidérée, le tracasse. Il craint les hommes du fleuve, même s’ils ne mangent pas de viande.

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