Le pont de pierre

Publié le 11 mars 2009 par Stella

Il y a quelques mois, je publiais ici-même une note intitulée Le Doux Zéphir . Le voici…

La photo a dû être prise depuis le café de la Paix, à gauche de ma maison, mais c’est quand même, à peu de choses près, une partie de ce que je voyais de la fenêtre de ma chambre durant toute la belle saison. Oui, parce que l’hiver, le Doux Zéphir était poussé parallèlement au pont de pierre. Quant à la goélette qui est le long du quai, j’ai su à qui elle appartenait, mais j’ai oublié…

Que de souvenirs… Au loin sur la droite, on voit les arbres de la Barbette. Ils ont tous, ou presque, été coupés à cause d’une maladie et le reste a été arraché par la tempête de 1999. C’était une vraie forêt, ce petit parc, avec des broussailles et des coins où se cacher. Il y avait même “l’oncle Tom”, où ma mère aimait aller s’asseoir. Il y avait un vieux pin couché et un autre, fourchu à la base, qui servaient de chevaux à mon imagination enfantine - et à celle de mes cousines.

Sur le bassin à flot (à gauche du pont de pierre), la maison aux volets verts, à gauche, c’était celle de Christophe Guérinaud, dont le père tenait le Bureau du port. Tous les matins, je le voyais arriver sur le pont et c’était pour moi le signal du départ. Nous remontions ensemble la rue Baron-de-Chantal (à droite, hors champ) qui nous menait tout droit à l’école. Les tentes rouges et les parasols sont ceux du Lever du Soleil, un café. J’ai aussi oublié le nom de la patronne, mais ma grand-mère la connaissait bien. Sur l’autre quai, au fond de l’image, on aperçoit à droite un bâtiment blanc : c’était le garage Renault. Aujourd’hui, c’est un hôtel chic. Dans le magasin de ma grand-mère, tout le monde a dû répéter des millions de fois : “au bout du quai, en face du garage Renault”… C’était là qu’il y avait une boîte aux lettres. Or nous vendions des cartes postales… dont celle-ci, naturellement.

A la fin du pont de pierre, sur la droite, on voit l’arrière d’une voiture bleue à toit blanc : c’est le taxi de Guy Rault. Je me souviens de cette voiture, que nous prenions une fois par an pour aller faite des achats à La Rochelle, avec ma grand-mère. Ensuite, Guy Rault a eu une DS, noire ou grise. J’adorais aller à la Rochelle. C’était ma grande sortie de l’année. Nous allions acheter des vêtements pour la rentrée des classes, des nouvelles chaussures. Une fois, j’ai eu un cartable. Nous allions aussi dans les magasins de vêtements où ma grand-mère se faisait faire ses robes et chez Bally, où elle achetait ses souliers.  Nous allions aussi chez Rivory, un marchand d’armes et de munitions de chasse. Ma grand-mère passait commande pour les chasseurs de l’île de Ré, calibre 12, calibre 16… Je me souviens de l’odeur de cette boutique, un parfum de vieux cuir et de métal. Il y avait des boîtes empilées jusqu’au plafond, des fusils dans des rateliers, des couteaux dans des vitrines. Un jour, madame Rivory m’a offert un couteau de table : “maintenant tu es grande, tu manges certainement avec un couteau” m’a-t-elle dit. Ma grand-mère a remercié. J’était très fière : j’allais avoir un couteau à moi. Il avait une lame petite et un manche noir, en bakélite. Je l’ai toujours… il me sert de coupe-papier maintenant.