Magazine Journal intime

Je Vais Bien, Ne T'En Fais Pas.

Publié le 11 mars 2009 par Mélina Loupia
"Ah mais elle est là Zette?
-Oué  elle steak hachée."

Oh pas loin.
Juste derrière et un peu en bas.

En gros, on s'en fout de où j'étais, j'étais juste pas là.

J'ai pas mal regardé la télé, encore que c'est surtout elle qui m'a regardée.
En fait, il a fait beau, ce qui relève de l'ordre du miracle, alors que je me situe au pays du soleil permanent, là où le mâle est viril, mais correct.

Du coup, avec ce printemps dans les yeux, j'ai eu envie de sortir.
J'ai pris ma mère sous le bras et dans la voiture, et en avant.

On allait se faire le centre-ville, par un samedi après-midi.
C'est que j'avais une petite idée derrière la tête.

Une dame au téléphone, gratuitement, elle m'a dit que mi-mars, avec tous mes points de fidélité de mon téléphone portable de sa mémé, j'allais pouvoir me tripoter l'Iphone.
Elle te m'a sorti ça comme une recette de cuisine, qu'en prenant mes points, ceux du conjugué, mon taux d'ancienneté, mon classement Wikio de mars et l'âge du capitaine, j'avais plus que 49€ à ajouter pour entrer dans l'ère du tactile en illimité.

Alors c'est en pays conquis que j'ai pénétré la boutique France-Télécom de la cité.
Pendant que ma mère se faisait embrouiller le pariétal, je me laissais gentiment chier dans les bottes par un beau blond, qui n'avait de beau que le badge.
Avec un petit rire un brin moqueur, voire énormément machiste, il me souffle:
"Oui, en effet, vous avez droit à une réduction sur le prix de VOTRE Iphone, soit 17.85€.
-Et bien je dois avoir mal compris ce que la dame m'a dit gratuitement l'autre jour alors.
-D'autant plus qu'on ne peut pas cumuler vos points avec ceux du titulaire de votre forfait partagé.
-Alors je dois avoir très mal compris ce que la dame m'a dit gratuitement l'autre jour et bien.
-Quand bien même, le forfait partagé n'existe plus et ne serait pas compatible avec l'Iphone.
-La dame m'a dit, si j'ai un peu compris gratuitement au téléphone l'autre jour, qu'en ajoutant 14€, j'avais tout en illimité.
-Oui, mais pour cela, il vous faut un Iphone. Et il faut en plus que ce soit le titulaire du forfait partagé qui vienne scanner sa pièce d'identité.
-Et bien alors j'ai RIEN COMPRIS à ce que la dame elle m'a dit gratuitement au téléphone l'autre jour.
-Au revoir madame."

Nous avons laissé la compagnie du téléphone toiser le chaland et nous sommes rendues sous le vent à la zone commerciale.

Chez C&A.
Baptême du feu.
Le temple de l'oestrogène.
Dans tous les rayons, pas une paire de testicules, si bien cachée derrière une matronne soit-elle.
Que des pétasses clonées entre 12 et 84 ans.

Y compris les hôtesses de caisse qui semblaient faire corps avec l'ambiance hystérique du lieu.

Depuis 20 ans que je m'étais pas acheté une fringue dans un magasin de fringues, j'avais du mal à me faire à l'idée qu'il allait me falloir choisir un haut et un bas parmi des milliers d'autres.

"Il est peut-être temps de changer radicalement de style, tu es toujours en jeans, baskets, et tee-shirts à col rond, et tout en uni, profite!
-T''as raison maman, il faut que je me rebelle."

Je Vais Bien, Ne T'En Fais Pas.Je tenterai de porter le débardeur sans le tee-shirt en dessous, promis.
Je Vais Bien, Ne T'En Fais Pas. Le jean est taille basse, mais je suis sûre que je vais me faire à l'aspect raie écrasée dans le filet.

Nous arrivons à la caisse, prête à nous faire dépecer le porte-monnaie.
Notre bonjour n'a pas eu d'écho favorable, à moins que désormais " Mhh" soit la formule consacrée de la part des hôtesses de caisse.
Je lui présente le jean.

"Ah y a pas le prix.
-C'est le seul en 36.
-Je m'en fous, moi je veux le prix.
-Je vais vous en prendre un autre si vous voulez.
-Non laisse maman, elle va le trouver le prix."

Je lui présente les tee-shirts, sur le lot, le blanc n'avait pas de prix. Même situation, sauf qu'elle avait sous les yeux le prix, grâce à celui du bleu ou au choix du beige. Elle n'aurait pas besoin de bouger son gros cul et sa mine éteinte jusqu'au rayon, à 2 mètres de là.

"Bon, on va dire que c'est comme tout à l'heure.
-Mais si vous voulez, ...
-Non maman, laisse, ELLE VA LE TROUVER LE PRIX."

Au moment de nous précipiter dans les abysses du crack financier, elle s'interrompt pour claquer la bise à sa copine et ses 3 enfants, passés derrière le comptoir, et profite pour tailler une petite bavette, comme on pourrait le tolérer, entre 2 clients.
Sauf que nous n'avions ni achevé nos achats, ni quitté les lieux.

"Attends, je les finis et j'arrive, c'est ma pause."

Nous l'avons laissée nous finir et somme parties, après l'avoir félicitée sur de extrême gentillesse.

Si je n'avais pas vraiment invoqué l'achat d'utilité publique, je lui aurais bien déchaussé ses dents une par une avec la pince à anti-vols, pendant que j'aurais sollicité ma mère pour lui agrafer tous les prix manquants sur le fondement, en ornement. Sans anesthésie, mais AVEC LE SOURIRE. Nous, dans la famille, la politesse, c'est sacré.

Amères et aigries comme un yaourt périmé, il nous fallait achever cette journée par une note de satisfaction, et de victoire sur le commerce.
En gros, on avait toutes les deux une méchante envie de dépenser one million $.

Cap sur Intersport.
Ou Sport2000.
Ou Décathlon.
Ou tout ce qui relevait de la sémantique du sport, de la forme, du bien-être et surtout, du chèque-vacances accepté.

Nous rentrons, passons le premier barrage à sourire.

"Bonjour!
-Bonjour mesdames, si vous voulez bien me confier vos précédents achats?
-Oui, prenez-vous les chèques-vacances?
-Mais bien-sûr!
-Merci, vous êtes bien urbaines."

Au pas de course, nous fondons vers le rayons de la basket chic et pas chère.
La côté maternel de ma chose trouve rapidement son bonheur, quant à moi, je tente de me créer le besoin.
Quand tout à coup, intrigué par le balancement d'un kakémono bercé par la chaufferie, mon regard se tape une freeze party sur le dernier modèle tout en haut de l'étagère " fin de séries", tout à droite avant la sortie de secours, quasiment à l'abri de tous les pieds convoités.

Je m'agrippe à la première tenue de travail qui passe.

"Bonjour madame, mademoiselle ou monsieur, vous les avez, celles-là, là haut, en 37?HEIN? DITES-MOI QUE VOUS LES AVEZ EN 37.
-Bonjour, je vais regarder, je vous demande de patienter un peu.
-Je me couche dans un coin sur le tapis et je bouge plus."

Lorsque qu'elle revient, je vois sa mine désespérée, avec un sourire plein de compassion sur ses jolies lèvres naturelles.

"Je suis navrée...
-Moi aussi vous savez, depuis le temps que je les lorgne...
-Mais non, je blague, tenez, les voici en 37, je vous débarrasse de vos affaires, asseyez-vous je vous en prie, vous voulez une chaussette?"

Alors que je prends place sur ce petit banc d'écolier, je sens monter une petite larme d'émotion, de pression relâchée et l'envie de tuer toutes les vendeuses de la galaxie s'envoler.

"C'est que vous comprenez, on s'est un peu fait agresser toutes les deux avant d'arriver ici et là, tant de gentillesse, la petite, ça me l'émeut.
-Mais je ne fais que mon travail, c'est la moindre des choses que de vous accueillir et vous renseigner.
-Ah mais presque je vous ferais un bisou sur la bouche avec la langue tellement vous pouvez pas vous imaginer comme vous me faites du bien."

Nous avons conclu d'un commun accord que la somme du prix des deux paires, de la mère et de sa fille joueraient le rôle de remerciements chaleureux et avons pris congé.

Voilà presque une semaine que je me tâte, Andy.

Est-ce que j'ai autant aimé être avec ma mère que j'ai détesté me faire traiter comme une moins que rien par deux employés?

"Relativise ma fille, tu t'es fait plaisir.
-T'as raison ma Brenda." (Mais elle s'appelle pas Brenda, sinon je m'appellerais Cindy, on a eu chaud aux miches.)

Ah, ce qu'on était bien là, ma mère, moi, et mes belles baskets!

Je Vais Bien, Ne T'En Fais Pas.

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