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Le feu soupire

Publié le 12 mars 2009 par Unepageparjour

Pour lire le début de Nono

Le feu soupire, maintenant, il n’est plus qu’une lueur, accompagnant de son regard bienveillant les couples de la nuit, restés dans la clairière du festin, serrés les uns contre les autres, comme une petite meute chaude et  tranquille.

Je ne dors pas, étendue entre Klo, si froide, et Rio, fiévreux. Notre dernière promenade, au delà de l’étang, bien plus loin que le bois, sur la terre des hommes du fleuve déjà, vibre dans ma mémoire, poussant le sommeil hors de mon esprit.

Nous longions l’eau puissante, qui caressait les berges fleuries de ses longues vagues, main dans la main. Rio, dans mon dos, nous laissait tranquille. Klo voulait partir. Loin. Ou mourir, peut-être. Elle voulait fuir ce monde de violence. Elle comparait la vie à un tunnel sans fin, sans lumière au bout du chemin, bordé de pierre de violence, de drame, de désespoir. Combien de frères et de sœurs avions nous vu mourir, sur tous ceux que la vieille mère avait mis au monde. Nous n’étions plus que toutes les deux, disait-elle. Je suis toute seule, maintenant, me dis-je en caressant ses cheveux. Elle ne supportait plus cet avenir triste, sans autre horizon que ces maternités interminables, ces bébés qui meurent, ces chasseurs violents, qui vous prennent pour un oui, ou pour un non, sans que nous ayons le moindre mots à dire, ces cousines aux hanches fécondes, soumises, qui nous imposent leur propre vie, la succession des levers et des couchers de soleils mornes, toujours identiques, ces taches, répétées sans fin, et qu’il est nécessaire et juste de reproduire, sans se poser de questions, pour la seule raison que nos mères et les mères de nos mères et les mères de leur mères ont répétées depuis toujours.

Klo parlait. Mais je demeurais silencieuse. Je ne savais pas comment lui expliquer tout ce que je ressentais en peignant sur le mur de la grotte, en dessinant les ombres des bêtes, en mélangeant les couleurs, en découvrant de nouvelles combinaisons de teintes. Il coule en moi une rivière plus fraîche encore, plus vivante, plus enjouée que les eaux du fleuve. Que m’importe tout le reste, si je peux peindre ! Je ne lui ai rien dit de tout cela, je l’ai écoutée, sans lui apporter de réconfort. Elle souhaitait disparaître, s’enfoncer dans les flots, ne plus avoir à porter ces fardeaux dont le sens lui échappait. 

Alors nous étions revenues, comme des petites filles sages. Mais tu es repartie, n’est-ce pas Klo ? Tu es repartie, toute seule, sachant que je ne pouvais pas te comprendre entièrement, sur un autre chemin.

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