Magazine Journal intime

La chair du verbe

Publié le 12 mars 2009 par Lephauste

Tu paies tes dettes et tu t'en rich'ti c'est ... c'est pas beau la vie ! (Slam Tokioïte, à réciter au moment du paroxysme coïtal)

Il n'est pas de Gauche, il n'est pas de droite ? N'est-il pas un peu de nulle part ? Pensez vous j'ai bien connu ses parents, ils étaient boutiquiers à Adis Abeba ! (Blues du dictaphone, collecté auprès de la tribu des CPI, Afrique Orientale)

Moi les allemands, c'est comme ça que je les aime, un peu saignants sur le campus ! (chant de marche de la Jeune France, milice patronnale retrouvée errante dans les allées fumantes du pouvoir)

Le jour où j'ai mis les pieds dans le verbe, c'était par une après-midi de peu, heureuse et triste, une après-midi quelconque à l'abri que le silence déploie sous les déluges de feu, auprès de la fenêtre où tout l'être tenait dans la vision d'ennuis qu'elle donnait à l'avenue. Voici ce que cela disait, je crois :

Le jour où l'on me portera en terre je veux que ce soit par un de ces jours de pluie ... Où personne n'a à se forcer pour pleuvoir. Et peut prendre son mouchoir pour se couvrir la tête.

J'avoue, je le dis, je n'ai à peu près rien compris à ce que cela devait vouloir dire. Ça voulait-il quelque chose ? Ça avait l'air bien inerte pour vouloir quoi que ce soit. C'était fat, c'était sot, ça pleuvait à seaux, j'allais encore me faire enguirlander. Je me souviens pourtant que si je me penchais un peu au balcon, vers la droite, j'avais toute la rue du cimetière en enfilade, la tourelle du char bien en place, la culasse vérouillée. La chaussée de César, avec au mitan le Rio et à main gauche, à hauteur la cité où j'allais voir éric Pourade, un sagouin qui me faisait l'honneur de m'avoir pour compagnon de conneries. Je l'ais des fois déboulée la Chaussée qui menait tout droit à travers champs et par dessus le chemin de fer à Avarricum, la ville où la pucelle arriva dépitée d'avoir à servir un lâche. Je l'avais remontée aussi, à court de munitions, violet, flageolant, à vélo. J'avais fait le calcul qu'en partant de la maison vers les 15 heures 16, admettons, on arriverait par la rue du commerce, à l'église, à 16 heures 09. Un bon trois quarts d'heure d'office. J'étais déjà croyant, oui je sais ... D'office donc, Buridan, psaumes et goupillons, récitation des bienfaits de toutes les bienheureuses, condoléances.

Sortis de là je les plaquais tous, débordant d'eau bénite, j'enfourchais mon clou et dépalais, toute la rue Ladevèze jusqu'à Dordain. Je franchis le carrefour, rate de peu un étourdis en semi-remorque et après deux cent mètres de la rue je ne-sais-plus, j'élargis vers la droite et appuie bien penché sur la gauche, j'enquille la Chaussée. Saut à toutes blindes, je freine des Buggy's TM devant le Rio où je réserve deux place au balcon pour "autant en emporte le vent", un film en scope de Claude Autan Lara, autant qu'il m'en souvienne.

Le cortège est au feux, en face du Florentais. C'est rouge. Je positionne le levier sur le grand plateau, deuxième pignon et je pars en danseuse, selle à gauche, selle à droite et j'arrive au portail, on me lance une gerbe, deux couronnes et trois pots de lichen. Les amis sont là, les excomuniés, les divorcés, les avortées, les parjures, les potes de régiments, l'amicale de la rue des sables, avec Patate et Laflèche en tête, des profs en grève, les dames qu'l faut, là où il faut. On se salue une dernière fois, émus un peu, surtout Suzy qui bien qu'elle n'est que trois pattes a tenu à venir sans collier. Et voilà que je me sens une petite faiblesse, les millions me lêchent et les mollets me lachent, je fléchis ... 17 heures 12, le cortège arrive !

J'avais mis ça au propre avec en pièce jointe à toutes fins utiles, un devis à l'attention de mes chers parents qui de par le fait m'émancipaient un peu. Mourir c'est partir beaucoup. J'avais de la jugeotte, de la suite dans les idées, pas beaucoup. J'avais douze ans. Et c'est pas le tout d'espérer, Dieu s'en charge même si ça marche couci couça. C'est de durer en s'endurant avec un Dürer au chevet, dans le drû dérangement durement réprimé d'avoir à naître et à connaître en s'oubliant parfois, un peu. C'est là qu'est tout le sel du régime. Pas la peine de regimber.

J'avais hâte sans doute d'abréger le programme, je voyais le topo ! Ca ne m'engageais qu'au doute et à la réserve ou à une bonne balade en bicloune ? Ce que je fis. Mais j'en revins. Et j'en reviens toujours d'ailleurs, d'ailleurs.

- Dix sept heures douze ? C'est pas l'heure de s'en siffler un ?


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