Un frôlement, derrière moi, attire mon attention. C’est notre vieille mère, qui, voûtée dans l’ombre, nous observait sans doute. Je distingue dans ses yeux tristes la lueur d’une espérance. Elle s’approche de l’empreinte, sur le mur, contemplative, l’effleurant du bout des doigts, tandis que je distingue perler au travers de ses rides une larme d’argent, unique.
Au lever du soleil, il nous faut partir en procession jusqu’aux pierres plates des morts. J’entends Hack et les hommes, à l’entrée de la grotte, leurs voix lourdes et véhémentes, leurs grands pas impatients.
« Que complotes-tu encore, Nono, au fond de cette grotte ? Pourquoi as-tu ramené le corps de Klo ici ? ».
« C’est ma sœur ! ».
Je sens que la vieille mère, pour une fois, me soutiendra. Hack ne cherche pas à discuter. Il semble pressé et demande à deux de ses frères d’emmener Klo. Nous les suivons.
L’air du printemps regorge de parfums suaves. Je devine sous les fourrés des frôlements d’oiseaux, rapides, dénichés par un renard ou au contraire, prêts à fondre sur une mouche ou un ver de terre. Dans le ciel, très haut, des hirondelles s’élancent dans des rondes aux courbes insensées, sans jamais se croiser. Ce monde respire l’insouciance, et pourtant, la petite morte nous entraîne derrière elle, dans son sillage de pleurs.
Pendant que nous cheminons, têtes basses, la mère entame les chants de mort. De longues plaintes glacées, comme les jappements des loups, qui me pénètrent jusqu’aux os. Mes jambes ne me portent guère, du fait de la nuit sans sommeil, de la procession, de la mort. Un mélange de tout cela, sans doute. Ma tête tourbillonne, et je me raccroche à la main posée dans la grotte, la main infinie, défiant le temps et l’éternité, la main de Klo, prête à saluer les filles et les fils d’autres âges.
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