Nous arrivons aux pierres plates. Le reste d’un bras décharné se balance dans le vide, et plus loin, des crânes aux yeux crevés ont roulé sur le sol en pente douce. Les chants se font plus forts, encore, et déchirent ma poitrine. La vieille s’est plié en deux, dans la douleur et l’effort, les genoux dans la terre.
Mes jambes ne me portent plus, et je dois m’asseoir, malgré les airs courroucés des cousines, mais je m’effondrerais, sinon, comme une montagne de sable dans les remous de la rivière.
Le poing serré contre mon ventre, je regarde les hommes monter jusqu’au sommet des pierres plates, et y déposer ma petite sœur. Je voudrais aussi m’y coucher, m’allonger contre elle, pour la réchauffer de mon corps dans une ultime étreinte, jusqu’à ce que le souffle des vents, jusqu’à ce que le baiser glacé de la pluie, jusqu’à ce que la brûlure du soleil, jusqu’à ce que l’appétit des animaux nous dispersent.
Malgré le printemps, le froid imprègne le champ des morts. Ma peau frissonne, sous ma toison de louve. Je tremble. Je suis malade. Tout se brouille, devant mes yeux. Tout devient sombre, opaque, suffocant. Je suis couchée sur le sol, pendant qu’on étend Klo sur sa pierre, et je ne vois plus rien de la cérémonie. Les derniers adieux. Les bains de larmes. Les baisers aux morts. Rien ! Je suis emportée, inerte, comme une outre vide, dans le bruissement des feuilles agitées par la brise. Je peux dormir en paix.
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