Sur le chemin du retour, les hommes qui avaient porté Klo à l’aller, les frères de Hack, me portent à mon tour, tellement je me sens faible, incapable de me remettre debout. Je m’abandonne, dans leurs mains larges et puissantes, qui se font douces, à cet instant, et rassurantes.
Les pleurs ont cessés. La vieille avance en silence, à côté de moi. Son corps décharné, sec comme les bois de la fin de l’été, qu’elle tient courbé et tordu, a donné toutes les larmes qu’il contenait encore. Si je venais à mourir, là, maintenant, que se passerait-il ? Pourrait-elle sangloter ? Ou laisserait-elle ses yeux, taris à jamais, errer sur mon corps abandonné, sans voix, sans âme ?
La vie reprend son cours, cependant. Les femmes babillent, derrière moi, certains hommes rient, se chamaillent, à grand coups de poings dans les épaules, se roulent dans la terre. Les préparatifs pour la guerre de demain. Ils s’entraînent, en vue du massacre, de l’extermination programmée des mangeurs de poissons.
Les yeux penchés sur l’azur, noyés dans la sarabande des hirondelles, dont les vols inlassables n’ont pas cessé depuis ce matin, je me demande si les bandes d’oiseaux mènent aussi des expéditions punitives contre d’autres bandes. Il y a les prédateurs, bien sûr, mais entre eux ? Tous ces mystères me donnent mal au crâne, je voudrais fondre, m’abîmer dans un sommeil sans fin, sans retour, comme Klo. Mes pensées m’en empêchent, toujours présentes, violentes. Sans réponse.
Arrivés à la clairière, les frères de Hack me déposent devant la grotte. Je me sens un peu mieux, et, appuyée sur une cousine, je parviens à me traîner jusqu’au fond de la caverne, au pied de mon mur, là où brille la main magique de Klo.
Rio gémit en me voyant. La faim, sans doute ! Je m’enroule autour de lui, encore fiévreux, et lui laisse mes seins, à sa guise. Bercée par la succion mécanique de ses lèvres goulues, je m’endors, enfin.
_______________________________________________________________________________
Commentaires illustrés :
PS : j'accepte tous les commentaires illustrés! Vous pouvez les envoyer à unepageparjour(AT)hotmail(point)fr.