Je n'avais pas
envie de prendre une photo. Mais l'étrangeté de ce corps, de cette manière de sinuer pour venir s'asseoir, de demander sans demander qu'une place soit faite entre nous pour y installer un gros
sac, m'ont fait lever la tête de mon livre. J'ai vu deux mains très fines, qui portaient chacune une sorte de bague, exactement la même, un anneau d'or fin. Une alliance sur chaque main. Et le
visage était pareil, ambivalent et symétrique, cheveux séparés exactement en deux par une raie verticale.
J'ai fait ma demande. C'était oui pour prendre la photo, mais non pour en parler.
J'ai juste voulu savoir pourquoi les deux alliances, j'ai dit un peu sottement, "vous êtes ambidextre?". La réponse était non.
J'ai sorti mon appareil photo, et là a commencé une absurde séance. Je voulais voir les bagues, mais les mains s'étaient mises à poser de profil, tenant une revue, page à écriture blanche sur
fond noir. "Vous préferez sur fond blanc?". J'ai dit que je voulais voir les bagues. Les mains ont abandonné le texte, mais se montraient un peu fermées, si bien qu'on ne
voyait toujours presque pas les bagues. Avec patience elles ont repris la pose. La photo est sortie un peu floue (à cet endroit de la ligne le métro nous fait
toujours subir des chaos de diligence). J'ai demandé à recommencé. J'ai retenté à cinq reprises. Plus j'essayais plus les photos étaient floues. J'ai fini par abandonner, et je n'en sais
toujours pas plus.