Ne fuyez pas à la lecture de ce titre, je ne vais pas vous faire une leçon de français.
J'ai appris ce matin, par Romain Muller, membre du groupe de modernisation de la langue et spécialiste des questions orthographiques, un adorable Monsieur qui a pris la peine de relire l'intégralité de mon livre « le savoir écrire » pour s'assurer que je n'y racontais pas des bêtises, via la newsletter « orthographe en direct » qu'il gère et à laquelle je suis abonnée, que certains quotidiens belges (la Dernière Heure, la Libre Belgique et le Soir, pour ne pas les citer), se mettaient à l'heure de la nouvelle orthographe (qui n'est plus si nouvelle que cela puisqu'elle date de 1990 et qu'elle fêtera donc bientôt ses vingt ans).
Les éditions électroniques de ces journaux seront donc proposées dans les deux orthographes, ancienne et nouvelle, laissant le choix au lecteur, et indiquant les mots modifiés par la nouvelle orthographe en rouge. Bonus : un passage de la souris sur ce mot donnera l'explication qui justifie la modification.
Que du bonheur, et point de quoi pinailler, comme aurait dit ma prof de français, adepte déjà de cette réforme, qui m'a bassinée durant trois ans et donné l'envie d'en savoir plus sur cette nouvelle orthographe, à laquelle j'étais au départ opposée, pensant « on va pas changer MON français, j'aime pô les réformes, j'aime que mon français reste intact ». Avec le recul, après réflexion, et une fois la réforme connue, j'ai changé d'avis.
J'ai donc, dans mon livre, fait la part belle à cette réforme, via une introduction qui explique le pourquoi du comment, via le texte des modifications inséré en fin d'ouvrage, et via, à chaque règle soumise à la réforme, un encart expliquant la variante pour le lecteur. Ainsi, le lecteur apprend en quoi consiste la réforme petit à petit, et choisit s'il veut l'appliquer ou pas.
Tout ça pour vous dire que j'ai été ravie de voir que la presse belge s'y mettait, mais que j'ai frôlé la crise cardiaque doublée d'une crise de rire en lisant les commentaires laissés par les lecteurs sur le site dhnet.be, qui annonce cette nouveauté dans cet article.
C'est à mourir de rire. Mais c'est presque pathétique. A l'heure où je vous écris, 84 % des internautes se déclarent contre cette réforme. Mais combien parmi ces 84 % savent exactement en quoi elle consiste ? Je serais vraiment très curieuse de le savoir...
En lisant les commentaires d'internautes voulant conserver à tout prix LEUR français - commentaires souvent criblés de fautes, c'est le comble du comble - j'ai compris que, presque vingt ans plus tard, le chemin est encore long pour pouvoir écrire, sans être critiquée :
« Je ne cèderai point : les cent-vingt-deux ognons que j'ai laissé pourrir dans mon frigo depuis le mois d'aout finiront dans les lave-vaisselles de ma voisine, même si elle risque une crise de larmes aigüe » (combien de mots « réformés » dans cette phrase sans queue ni tête ?)
En lisant ces commentaires, toujours, j'ai réalisé plusieurs choses :
- un bon nombre d'internautes pensent que cette réforme vient juste d'entrer en vigueur, qu'elle est limitée à la Belgique et que l'Académie française devrait s'y opposer fermement... - la réforme date de 1990 et a été décidée par l'Académie française et les instances francophones compétentes.
- beaucoup s'accrochent à un français qu'ils sont incapables de pratiquer correctement - alors à quoi bon faire compliqué si on peut simplifier ?
- beaucoup en profitent pour régler leurs comptes avec les enseignants et la jeunesse d'aujourd'hui qui ne vaut plus rien ma bonne Dame - je me demande ce que cette pauvre réforme a à voir avec ça ...
- tous, ou presque, imaginent que cette réforme sert à aicrir en fonétik ou presk - voyons, un peu de sérieux !
- la majorité critique quelque chose dont elle ignore presque tout, et ça me met en colère, très en colère.
- certains pensent que l'ancienne orthographe sera jugée comme « fausse » - c'est ... faux, cela va de soi, les deux orthographes sont autorisées depuis la réforme.
- enfin, beaucoup pensent que la presse devrait d'abord écrire sans faute, avant de se lancer dans l'application de la réforme (sur ce coup-là, je partage un tout petit peu leur avis, mais depuis que j'écris pour la presse et que je réalise à quel point une faute est si vite faite, je suis bien plus tolérante...)
En bref, les internautes critiquent critiquent critiquent, à croire que c'est le seul langage actuel.
Alors, passque j'ai envie de réagir, je vous copie un petit extrait de mon livre, qui explique que cette réforme, c'est bien. Voilà. Na.
« Lorsque l'Académie Française a introduit une réforme orthographique en 1990, ayant pour but de simplifier certaines règles, d'aucuns ont crié au scandale. Comment pouvait-on oser toucher à la sacro-sainte langue française, à une tradition aussi vénérée que la recette des macarons parisiens ou des frites belges ! Il n'en était point question ! Plutôt mourir.
Cependant, si l'on analyse la langue française au fil des siècles, force est de constater qu'elle n'a fait... qu'évoluer. Vous exigez des preuves ? Vous avez bien raison. Toujours exiger des preuves (preuves d'amour, notamment). Les voici les voilà : trois versions d'un même texte, le début de l'une des Fables de La Fontaine.
Édition originale (dix-septième siècle)
Une Grenoüille vid un Bœuf,
Qui luy sembla de belle taille.
Elle qui n'estoit pas grosse en tout
comme un œuf [...]
Édition de 1802
Une grenouille vit un bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'étoit pas grosse en tout
comme un œuf [...]
Orthographe d'aujourd'hui
Une grenouille vit un bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas grosse en tout
comme un œuf [...]
Tout comme les frites belges se servent actuellement parfois avec du paprika (si, si, je vous l'assure, goûtez et vous m'en direz des nouvelles), tout comme les macarons ne sont plus uniquement sucrés de nos jours, la langue française a besoin de rester une langue vivante et en constante évolution.
Pourquoi, dès lors, tenter de la figer inutilement, alors que les simplifications proposées ont pour but d'aider les générations présentes (vous) et à venir (vos enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants etcetera).
Toutefois, les modifications sont recommandées, sans être obligatoires. Le choix est dès lors laissé au libre arbitre de l'utilisateur de la langue française... à savoir vous (toujours vous, vous êtes la star en fin de compte) et vos enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants etcetera... »
(Extrait du savoir écrire pour les filles - merci de ne pas recopier cet extrait, soumis au copyright, tout comme l'intégralité de ce blog).
Pour tout savoir sur la réforme : http://www.orthographe-recommandee.info/
PS : parmi les milliards de fautes trouvés dans ces commentaires d'adeptes du français d'avant 1990, j'en ai trouvé une sympa :
Premier commentaire : « ils sont du à quoi ? »
Correctif : « Oups "dû", pardon. »
A mourir de rire... ou de désespoir.
PS2 : si j'ai fait des fautes dans ce billet, je m'en esscusss platement, chuis énervée... je sais, c'est pas une esscusss mais c'est ma mienne.
Ne fuyez pas à la lecture de ce titre, je ne vais pas vous faire une leçon de français.
J'ai appris ce matin, par Romain Muller, membre du groupe de modernisation de la langue et spécialiste des questions orthographiques, un adorable Monsieur qui a pris la peine de relire l'intégralité de mon livre « le savoir écrire » pour s'assurer que je n'y racontais pas des bêtises, via la newsletter « orthographe en direct » qu'il gère et à laquelle je suis abonnée, que certains quotidiens belges (la Dernière Heure, la Libre Belgique et le Soir, pour ne pas les citer), se mettaient à l'heure de la nouvelle orthographe (qui n'est plus si nouvelle que cela puisqu'elle date de 1990 et qu'elle fêtera donc bientôt ses vingt ans).
Les éditions électroniques de ces journaux seront donc proposées dans les deux orthographes, ancienne et nouvelle, laissant le choix au lecteur, et indiquant les mots modifiés par la nouvelle orthographe en rouge. Bonus : un passage de la souris sur ce mot donnera l'explication qui justifie la modification.
Que du bonheur, et point de quoi pinailler, comme aurait dit ma prof de français, adepte déjà de cette réforme, qui m'a bassinée durant trois ans et donné l'envie d'en savoir plus sur cette nouvelle orthographe, à laquelle j'étais au départ opposée, pensant « on va pas changer MON français, j'aime pô les réformes, j'aime que mon français reste intact ». Avec le recul, après réflexion, et une fois la réforme connue, j'ai changé d'avis.
J'ai donc, dans mon livre, fait la part belle à cette réforme, via une introduction qui explique le pourquoi du comment, via le texte des modifications inséré en fin d'ouvrage, et via, à chaque règle soumise à la réforme, un encart expliquant la variante pour le lecteur. Ainsi, le lecteur apprend en quoi consiste la réforme petit à petit, et choisit s'il veut l'appliquer ou pas.
Tout ça pour vous dire que j'ai été ravie de voir que la presse belge s'y mettait, mais que j'ai frôlé la crise cardiaque doublée d'une crise de rire en lisant les commentaires laissés par les lecteurs sur le site dhnet.be, qui annonce cette nouveauté dans cet article.
C'est à mourir de rire. Mais c'est presque pathétique. A l'heure où je vous écris, 84 % des internautes se déclarent contre cette réforme. Mais combien parmi ces 84 % savent exactement en quoi elle consiste ? Je serais vraiment très curieuse de le savoir...
En lisant les commentaires d'internautes voulant conserver à tout prix LEUR français - commentaires souvent criblés de fautes, c'est le comble du comble - j'ai compris que, presque vingt ans plus tard, le chemin est encore long pour pouvoir écrire, sans être critiquée :
« Je ne cèderai point : les cent-vingt-deux ognons que j'ai laissé pourrir dans mon frigo depuis le mois d'aout finiront dans les lave-vaisselles de ma voisine, même si elle risque une crise de larmes aigüe » (combien de mots « réformés » dans cette phrase sans queue ni tête ?)
En lisant ces commentaires, toujours, j'ai réalisé plusieurs choses :
- un bon nombre d'internautes pensent que cette réforme vient juste d'entrer en vigueur, qu'elle est limitée à la Belgique et que l'Académie française devrait s'y opposer fermement... - la réforme date de 1990 et a été décidée par l'Académie française et les instances francophones compétentes.
- beaucoup s'accrochent à un français qu'ils sont incapables de pratiquer correctement - alors à quoi bon faire compliqué si on peut simplifier ?
- beaucoup en profitent pour régler leurs comptes avec les enseignants et la jeunesse d'aujourd'hui qui ne vaut plus rien ma bonne Dame - je me demande ce que cette pauvre réforme a à voir avec ça ...
- tous, ou presque, imaginent que cette réforme sert à aicrir en fonétik ou presk - voyons, un peu de sérieux !
- la majorité critique quelque chose dont elle ignore presque tout, et ça me met en colère, très en colère.
- certains pensent que l'ancienne orthographe sera jugée comme « fausse » - c'est ... faux, cela va de soi, les deux orthographes sont autorisées depuis la réforme.
- enfin, beaucoup pensent que la presse devrait d'abord écrire sans faute, avant de se lancer dans l'application de la réforme (sur ce coup-là, je partage un tout petit peu leur avis, mais depuis que j'écris pour la presse et que je réalise à quel point une faute est si vite faite, je suis bien plus tolérante...)
En bref, les internautes critiquent critiquent critiquent, à croire que c'est le seul langage actuel.
Alors, passque j'ai envie de réagir, je vous copie un petit extrait de mon livre, qui explique que cette réforme, c'est bien. Voilà. Na.
« Lorsque l'Académie Française a introduit une réforme orthographique en 1990, ayant pour but de simplifier certaines règles, d'aucuns ont crié au scandale. Comment pouvait-on oser toucher à la sacro-sainte langue française, à une tradition aussi vénérée que la recette des macarons parisiens ou des frites belges ! Il n'en était point question ! Plutôt mourir.
Cependant, si l'on analyse la langue française au fil des siècles, force est de constater qu'elle n'a fait... qu'évoluer. Vous exigez des preuves ? Vous avez bien raison. Toujours exiger des preuves (preuves d'amour, notamment). Les voici les voilà : trois versions d'un même texte, le début de l'une des Fables de La Fontaine.
Édition originale (dix-septième siècle)
Une Grenoüille vid un Bœuf,
Qui luy sembla de belle taille.
Elle qui n'estoit pas grosse en tout
comme un œuf [...]
Édition de 1802
Une grenouille vit un bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'étoit pas grosse en tout
comme un œuf [...]
Orthographe d'aujourd'hui
Une grenouille vit un bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas grosse en tout
comme un œuf [...]
Tout comme les frites belges se servent actuellement parfois avec du paprika (si, si, je vous l'assure, goûtez et vous m'en direz des nouvelles), tout comme les macarons ne sont plus uniquement sucrés de nos jours, la langue française a besoin de rester une langue vivante et en constante évolution.
Pourquoi, dès lors, tenter de la figer inutilement, alors que les simplifications proposées ont pour but d'aider les générations présentes (vous) et à venir (vos enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants etcetera).
Toutefois, les modifications sont recommandées, sans être obligatoires. Le choix est dès lors laissé au libre arbitre de l'utilisateur de la langue française... à savoir vous (toujours vous, vous êtes la star en fin de compte) et vos enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants etcetera... »
(Extrait du savoir écrire pour les filles - merci de ne pas recopier cet extrait, soumis au copyright, tout comme l'intégralité de ce blog).
Pour tout savoir sur la réforme : http://www.orthographe-recommandee.info/
PS : parmi les milliards de fautes trouvés dans ces commentaires d'adeptes du français d'avant 1990, j'en ai trouvé une sympa :
Premier commentaire : « ils sont du à quoi ? »
Correctif : « Oups "dû", pardon. »
A mourir de rire... ou de désespoir.
PS2 : si j'ai fait des fautes dans ce billet, je m'en esscusss platement, chuis énervée... je sais, c'est pas une esscusss mais c'est ma mienne.
LES COMMENTAIRES (2)
posté le 05 juin à 20:22
Il ne s'agit pas de "simplifier" la langue ou de tirer le niveau vers le bas mais de supprimer des illogismes. D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi cette "reformette" (car elle ne change que fraction infime de mots) est tellement dure à faire respecter.
Tout d'abord, il y a une différence entre la langue et l'orthographe. On ne prend pas les jeunes pour des ignorants mais cela ne sert à rien d'après de exceptions et des illogismes sans queues ni têtes ! Que l'on écrive "dégout" ou "dégout", cela se prononce de la même manière ! Et ça ne détruit nullement la beauté de la "Sainte langue française". La complexité n'est pas synonime de beauté. Cette réforme ne concerne presque rien de toute façon... P.S : On dit : "Je suis DE L'avis des..."
posté le 18 septembre à 13:37
Je suis d'avis des résistants... Ceux qui prônent la beauté de la langue française par sa complexité!
Je suis étudiante en communication et déjà on nous a informé de l'apprentissage de cette "sous-langue" dès les premiers cours et dans cette armée d'étudiants soumis il n'y a que moi, me semble-t-il, qui ait eu un frisson de dégoût (d'ailleurs à présent on dit "dégout"!!) C'est tellement réducteur ! Je me mets à la place du professeur littéraire aimant par dessus tout son français et qui devra instruire par obligation des fautes...
Et tout bien réfléchit j'en vient à une autre réflexion: On commence par l'orthographe et après on fera quoi? On supprimera les math parce que c'est trop compliqué pour les étudiants ou alors on annulera les leçons d'Histoire parce qu'après tout le passé c'est le passé!!! M'enfin où va-t-on?