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Le luxe et le prix: réflexions sur une débandade

Publié le 15 mars 2009 par Michelgutsatz

Saks-70-percent-off

Le 9 février dernier le Wall Street Journal a publié un article qui ne peut que nous faire réfléchir sur les enjeux qui se jouent pour les marques de luxe autour du prix.

L'article nous apprend que Saks, constatant l'état de ses stocks de produits et l'absence de clients, a décidé de proposer des soldes à 70% à un moment critique pour toute l'industrie: en Novembre, soit bien avant les Fêtes (la Holiday Season), période essentielle pour la réalisation des ventes annuelles. L'auteur de l'article annonce ainsi qu'elle a été "knocked to the floor in New York's flagship store by someone lunging for a pair of $535 Manolo Blahnik shoes going for $160".L'effet domino fut immédiat: Saks fut suivi par Neiman Marcus, puis par Barneys New York. La débandade fut totale lorsque les détaillants multimarques furent obligés de constater qu'ils étaient obligés de suivre pour survivre. Certains ont du mettre la clé sous la porte, incapables d'amortir de tels discounts AVANT les Fêtes. Pour être complets il faut ajouter que Neiman Marcus avait proposé -40% quelques jours avant que Saks ne "casse les prix" (sans succès - les clients ont boudé ces offres).

La règle non-écrite entre marques et distributeurs selon laquelle on vend les produits au prix boutique pendant deux mois avant que de solder les invendus venait de voler en éclats. Toutes les marques ont été touchées. Rappelons que certaines d'entre elles avaient pris les devants dès novembre en organisant des "sample sales" (voir mon post du 1er février dernier), soit disant réservée aux clients privilégiés, mais de fait ouvertes à toutes les personnes inscrites sur les sites de ventes privées en question.

La seule marque qui n'a pas été touchée par cette folie du discount est Louis Vuitton. Pour une raison simple que peu connaissent - Vuitton est la seule marque à cumuler deux avantages:

  1. 100% des ventes de produits Vuitton se font dans leurs propres magasins. Il n'y a pas de wholesale.
  2. Tous les espaces Vuitton dans les grands magasins sont des espaces loués à la marque: ce sont donc des shop-in-shop totalement contrôlés par la marque.

Nous sommes loin des stratégies de distribution des autres marques de luxe pour lesquelles le "wholesale" peut représenter jusqu'à 60% des ventes... ce qui les rend fragiles en période de crise quand la panique saisit les distributeurs et que contre toutes les règles et les accords ils cassent les prix pour "sauver leur peau".

Les consommateurs constatant que les produits qu'ils affectionnent pouvaient être trouvés à 70% du prix affiché ne peuvent que se voir renforcés dans leur attitude attentiste: comme je le notais le 1er février dernier, même les "affluents" cherchent les "meilleurs prix". 

Que peuvent faire les marques de luxe face à cette situation? Je ne vois que deux solutions:

  1. Adopter progressivement le "business model" de Vuitton, afin de réduire leur dépendance aux grands magasins et aux multimarques. Cela suppose d'importants investissements en retail et un véritable effort pour acquérir les compétences esentielles en retail (qu'ils n'ont pas toujours, même s'ils ont déjà de nombreuses boutiques en propre).
  2. Scinder le plus possible les collections en deux: proposer des collections spécifiques dans leurs boutiques avec des produits qu'on ne trouve pas dans les autres circuits de distribution. Ceci existe déjà mais sans véritable étanchéité.

Voila un véritable défi pour les marques de luxe, qui vraisemblablement vont devoir réinventer leur business model dans les années à venir.


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