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Viens ! Allons tout de suite voir les falaises !

Publié le 26 mars 2009 par Unepageparjour

« - Viens ! Allons tout de suite voir les falaises ! », s’écrie Natasha en courant, les joues rouges comme des cerises. Pierre suit, le bras endolori par le sac de sport. Cela pèse lourd, une robe de mariée, mine de rien ! Ils grimpent  vers le ciel bleu. Des goélands trouent l’azur, en poussant des cris stridents, pour leur montrer le chemin. Ils tournent en rond, s’en vont et reviennent, planent autour d’eux, frôlant la chevelure de Natasha qui flotte au vent, foncent sur Pierre, puis se ravisent au dernier moment, dans un virage fou, qui les amènent tout droit vers le soleil. Entre leurs jacasseries, entre les rires de Natasha, Pierre croit distinguer la plainte de la mer, quelque part.

Et soudain, c’est l’extase, le grand cri de Natasha, les bras levés en croix, elle tombe à genoux.

« Les falaises ! Comme c’est beau ! Plus beau qu’en photos ! ».

Les aiguilles de craie blanche, les trouées bizarres par lesquelles la mer jette un œil étonné, le blanc violent, vif, aveuglant, le mélange des bleus, des verts, des turquoises, des émeraudes, au creux du gouffre, tout est là, offert, pour eux seuls. Des poignées de touffes d’herbes, au bord du vide, frissonnent dans le vent. Le reste est silence, même les grandes mouettes, devenues dignes, passent sans un bruit, immobiles.

Les jeunes mariés retiennent leur souffle. Ils se couchent sur le sol, à la frontière du néant, la tête plongée dans l’abîme, enivrés par la danse singulière des éléments.

Au loin, des bateaux minuscules jouent avec la ligne de l’horizon, inconscients du spectacle héroïque qui se déroule ici. Même si Natasha, l’âme revigorée, les sens en éveil, émet le souhait de continuer sur la crête.

Pierre soupire un peu.

«  - On est bien, là. ».

Natasha se résigne, mais elle aimerait découvrir d’autres points de vue. Voir l’autre côté des choses. Comme le soleil qui tourne tout le jour autour de l’aiguille, qui la regarde sous toutes ses faces, qui l’examine dans ses moindres recoins. Et la mer ne porte-t-elle pas d’autres robes, de l’autre côté ? D’émeraude, ne vire-t-elle pas au mauve, ou au gris, voire à l’indigo, dans ses côtés sombres ? De dépit, elle se tourne sur le dos, les yeux plantés droit dans les nuages blancs, qui s’amoncellent au dessus d’eux. Puis elle commence à rouler, tout doucement, dans un lent va-et-vient, et de plus en plus vite, jusqu’à se lancer dans un joyeux roulé-boulé, qui l’amène à dévaler tout le talus herbu, jusqu’au petit chemin de ronde qu’ils avaient suivi en arrivant. Elle se relève, les cheveux en bataille, les vêtements couverts de graminées, quelques écorchures aux mains et part au sprint vers le village.

«  - Attrape-moi si tu peux ! Nanananère ! ».


Pierre, à regret, quitte des yeux les tourbillons liquides et se met à sa poursuite, en clopinant, le bras toujours chargé de ce foutu sac de sport.


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