Vous n’allez jamais me croire et pourtant c’est bel et bien vrai : l’informaticien au nez original et que j’aime en secret a daigné m’envoyer un mail avec en corps de message :
« Salut Brit, J’ai eu une prime. Tu veux venir au resto ? C’est moi qui paye. Biz. L’informaticien au nez original »
Je vous l’accorde, le texte aurait mérité d’être un peu plus travaillé. Mais bon, n’oublions pas que l’homme, en plus d’être homme, est aussi informaticien, ce qui représente un handicap indéniable dans la rédaction de mails d’invitation. Cependant si vous lisez bien, vous remarquerez que l’on sent une point de fébrilité et d’émotion entre les lignes. Si, si.
… Mais enfin, lisez bien je vous dis! Bref.
Jour J. Pas moins de deux heures de recherches dans mon dressing ont été nécessaires pour trouver The Robe griffée Paul & Joe. Il faut dire que la découverte d’un bourrelet « tour de hanches » qui n’était pas là avant l’hiver a été relativement problématique et m’a presque fait sombrer en phase dépressive. J’ai pris un Lexomil pour me calmer.
C’est donc avec à peine dix minutes de retard que je me suis présentée au restaurant. Et quel restaurant ! Pour une fois, mon informaticien avait réussi à troquer le Quick, son habituelle cantine, contre un lieu trendy, esprit lounge et people (y’avait Larusso dans le carré VIP).
- Bonsoir. Je suis attendue à la table de… (merde je connais pas son nom !)
- De ?
- De… Vous savez un informaticien. Taille moyenne avec un nez original…
- ?
- On est deux et…
- Ne vous inquiétez pas Madame, nous allons vous trouver une table.
En moins de deux minutes, le maître d’hôtel m’a installée à une table…près des toilettes.
- Vous serez parfaitement bien ici, m’a-t-il assuré. Prendrez-vous quelque chose en attendant ?
- Un double whisky. Je suis un peu angoissée. C’est la première fois que l’informaticien m’invite et depuis le temps que j’attends ça. Tenez, cela me rappelle la fois où il m’a invité chez lui pour partager un Bolino. Et bien figurez-vous…
Hein, mais où est-ce qu’il part ?
Vingt minutes plus tard, j’avais enfilé le double whisky et le double scotch qui a suivi. Toujours pas d’informaticien… Me serais-je trompée d’adresse ?
J’envoie un texto : « T ou ? Suis Dja là. »
La chaleur du restaurant m’engourdie légèrement. Heureusement, j’ai un Guronsan dans mon sac. Et hop, dans le gosier ! Ca passe bien ce genre de petite chose, surtout avec un Gin Vodka.
Vrrrr-Vrrrr. Ah, un message. C’est lui.
« MDR. Viens de tester le canard vibrant. Si tu veux, je te le prête. Lol. Valentine ».
Au moins une qui a de la chance. Moi, à 16 ans, je ne savais même pas ce qu’était un sex toy.
Je réponds : « Merci mais c’est pas très hygiénique. BritBrit »
Le serveur vient voir si je ne veux pas passer commande.
- Vous comprenez Madame, cela fait une heure que vous bloquez la table…
- …Et que je bloque par la même occasion la porte des chiottes avec ma chaise. Amenez-moi un Mojito plutôt !
Je commence à avoir mal à la tête. Putain de chauffage.
L’informaticien arrive enfin, tout essoufflé, avec 2 heures de retard. Il a mis le sweat Linux que je lui ai offert à Noël.
- Désolé. J’ai eu un problème de serveur.
- Moi aussi !
- A planté juste avant de partir. Une erreur php Admin avec un access denied for user « root'@'localhost » et puis,…
- Humhum…. Slurp, slurp, trop bon ce Cosmo. Surtout avec une aspirine codéïnée. T’en veux ? Hihihi…
Je me sens toute en joie. L’informaticien demande au chef de rang s’ils ont un accès Wifi pour qu’il puisse prendre possession de son bureau à distance.
- T’es sûr que tu ne veux prendre en possession que ton serveur ? lui dis-je l’œil lubrique et déglutissant une gorgée de Bourgogne.
Il me regarde étonné et répond :
- Tiens, tu marques au rouge.
Je ne sais pas si cette réflexion ou l’envie de dégobiller qui me tiraille l’estomac, ou encore le fait que mon informaticien reste le nez collé à son iPhone, mais nous avons passé le reste du repas à ne rien se dire. J’en ai profité pour compter les fleurs brodées sur la nappe et goûter à un succulent petit verre d’Armagnac.
- J’ai envie de vomir.
- Hum…
Je vomis sur ma belle robe Paul & Joe.
Larusso, qui passait par là pour se rendre aux toilettes, me jette un œil mauvais. Je lui rends en m’essuyant ma bouche un brin dégoulinante. Connasse !
L’informaticien s’inquiète auprès du maître d’hôtel de savoir si le restaurant prend en charge les frais de pressing : « C’est vrai quoi, elle ne vomit pas facilement d’habitude. Elle a dû manger quelque chose de mauvais. Ou alors, c'est l'odeur du WC net.»
- Je te raccompagne Brit ? J’suis content d’avoir mangé avec toi. En plus, y’avait Larusso !
- Hum…
- Je voulais te demander…
- Oui… (vous noterez que c’est un oui plein d’espoir, susceptible de se dupliquer en cas de demande en fiançailles, épousailles ou autres synonymes d’accouplement)
- Je peux t’appeler demain pour tester à distance l’Extranet en connexion Web Remote Desktop ?
Encore raté !