Magazine Journal intime

"S'il te plaît, apprivoise-moi" disait le renard

Publié le 31 mars 2009 par Beatrice29
Je ne sais pas pourquoi, j'ai toujours un mal fou à appeler quelqu'un par son prénom lorsque je parle avec ce quelqu'un. Vous savez, il y a des gens qui, lorsqu'ils vous parlent, prononcent votre prénom régulièrement pour ponctuer la conversation, du genre, "Tu sais, paul,...." "mais oui, Paul !", "Arrête tes conneries, paul !"... Bref, le prénom revient et je trouve que ça fait "chaleureux". Moi, je ne sais pas faire ça. Je dis "Bonjour" tout court, "Au revoir" tout court (et "tout court" n'est pas un ami, rassurez-vous). Lorsque je téléphone, là, souvent, je dois dire "Allo, machin, c'est Béatrice " forcément sauf qu'au bout d'un moment, les gens à qui je téléphone souvent reconnaissent ma voix sans que j'ai à dire tout ça et à partir de là, la conversation se lance sans que je ne prononce une seule fois le prénom.
C'est un peu difficile à expliquer, en fait, et je ne sais pas si vous voyez ce que ça peut donner mais, surtout, je ne sais pas d'où ça me vient. J'ai toujours été comme ça, presque comme si ça me gênait de prononcer le prénom de quelqu'un. Peut-être aussi parce que la grande solitaire que je suis n'a pas eu vraiment de prénom à prononcer avant ses 17 ou 18 ans. Mais, c'est un peu comme si "je dérangeais". et comme si appeler quelqu'un par son prénom créait une trop grande proximité. Pas trop grande pour moi, mais pour les autres.
Alors, je parle, je m'adresse à quelqu'un, il me répond mais, comme j'ai toujours cette impression d'être de trop, je me dis qu'il ne faut pas que j'aille trop loin dans la "familiarité", dans la "proximité". Un peu comme si j'hésitais à m'approcher complètement des gens. Et, c'est d'ailleurs le cas. Je me sens proche d'eux, voire très proche mais, très souvent une voix me dit de faire un petit pas en arrière pour ne pas déranger, pour ne pas leur donner l'impression d'être "trop" là au risque qu'ils me trouvent envahissante et qu'ils m'éloignent d'eux mêmes, petit à petit.
Je sais que c'est  à double tranchant cette attitude, que les gens vont s'imaginer que je ne les aime pas vraiment puisque je garde toujours mes distances. Pourtant, c'est seulement, je pense, par souci de protection. Je n'attends qu'une chose c'est d'être proche d'eux, de me sentir bien, en confiance avec eux mais, il est très rare que j'y parvienne complètement. Et, lorsque ça m'arrive, il y a aussitôt un bouton d'alerte qui clignote et me dit: "Fais gaffe, faut pas déranger, faut pas t'imposer."Je n'y peux rien, ça vient en moi, tout seul, comme ça.
Le temps devrait m'aider à changer. Je connais ma meilleure amie depuis 17 ans et mon meilleur ami depuis 5 ans. D'autres amis depuis plusieurs années aussi. Ce sont des relations que je considère comme très fortes (sinon, je ne parle pas d'amitiés) et pourtant, de temps à autre revient ce doute, cette idée qu'il ne faut pas que je les encombre. Attention, je suis toujours là pour eux, s'ils ont besoin de moi mais, je ne veux pas être "trop" présente. Peut-être pensent-ils que je mets de la distance parce que je ne suis pas si attachée à eux que ça alors qu'en fait c'est le contraire, je mets de la distance parce que je suis attachée à eux et que je ne veux pas les perdre. C'est très con quand on y pense. C'est comme si le renard de Saint-Exupéry ne parvenait jamais à laisser le Petit Prince s'approcher complètement de peur qu'il finisse par l'agresser comme d'autres humains ont pu le faire. Difficile de se laisser apprivoiser.
Et donc, pour en revenir à cette histoire de prénom, c'est un peu aussi une distance que je m'impose inconsciemment, peut-être parce que je me dis que je n'ai pas vraiment le droit d'être là et d'importuner les gens. C'est super difficile pour moi d'être seule et c'est l'une de mes hantises mais, malgré ça, je m'impose à moi-même, toujours inconsciemment, une distance qui ferait que, si je me retrouvais seule, j'y serais "préparée" ou du moins j'aurais l'impression de l'être.

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