Le Centre De Gravité.

Publié le 06 avril 2009 par Mélina Loupia
Dans la vie, y a des trucs pas graves, comme le classement Wikio mars 2009, et des trucs très graves, comme jeter un truc dans la poubelle alors que dans la poubelle, y a pas de sac.

Et forcément, c'est toujours à ce moment-là qu'on y balance un petit suisse pas égoutté, une brique de lait pas finie ou le reste du poulet au curry, le tout dans le sens de gravité de chute du jus.

Et forcément, quand ça fait 4 fois qu'on ouvre la poubelle et qu'on voit que toujours pas de sac mais qu'au fond, ça commence à se transformer en marécage grouillant, on se dit qu'après tout, fallait pas commencer.

Et forcément, c'est TOUJOURS MOI qui m'y colle.

Je ne suis peut-être, même sans doute pas un cas isolé, mais probablement unique en mon genre à avoir des pulsions violentes de destruction de mobilier urbain ou d'incendie d'hôtel dès lors que j'ouvre cette boite à ordures et que j'y constate l'absence de sac en plastique non recyclable.

"BORDEL MAIS VOUS ÊTES PAS FOUTUS DE FOUTRE UN SAC QUAND VOUS OUVREZ LA POUBELLE ET VOYEZ QUE Y EN A PAS? ENFIN BON SANG VOUS AVEZ DE LA MERDE DANS LES YEUX?
-Ah c'est pas moi.
-Non plus.
-J'ai rien jeté moi.
-Et toi, puisque t'es devant et qu'elle est ouverte, t'y mettrais pas un sac des fois?"

Sur quoi, vexée, je déroule un sac, l'ouvre en grand, te le colle sur la gueule de la poubelle, que je retourne sans ménagement et que par le principe des vases communicants, le contenu pénètre le contenant, comme la logique ménagère aurait dû le dicter à mon quatuor à bites.

Et je boude en principe pendant au moins 8 minutes.
"Non mais spavrai, je te jure, pas un pour relever l'autre, et je vous conseille de pas faire les malins sinon vous irez laver la poubelle avec les dents."

Ce matin, je me lève, un peu, je le reconnais, de pire humeur que les réveils précédents.
Mauvaise nuit.
Chaud.
Puis froid.
Pipi.
Soif.
Une vraie môme.

Je somnambule vers le cellier me jeter un café serré dans le cornet.

Mon aîné me suit.
Assez souriant.

Je laisse la porte entrouverte et l'écoute faire l'adulte qui se prépare son petit déjeuner.
Le bruit de la petite cuillère dans le bol, le choc du grain de sucre, la pluie fine du chocolat en granulés et le torrent de lait en cascade.
Puis vient le grincement du couvercle du claque-merde de la poubelle.
Eugène s'apprête à bouffer de la brique de lait.
Pas finie.
Elle tombe, bien évidemment le goulot le premier et le reste de lait éclabousse le cul de la poubelle.

"Et merde."

Soudain, la mémoire me revient.
La veille, lasse de voir les restes de la journée dégueuler, je suis allée en pleine nuit jeter le sac.
En rentrant, pressée d'aller pisser, parce que bon, aller vider la poubelle, c'est civique, mais en chaussettes et en tee-shirt alors que presque Brian Joubert pourrait nous faire un triple Lutz dans la rivière, c'est complètement débile, j'ai largement zappé de remettre un sac vide dans le container domestique.

Un sentiment de culpabilité m'enveloppe alors que j'écrase la cigarette de 8h31, que l'âne brait et que j'entends mon fils âiné qui bronche pas, utilise ma méthode de changement propre de sac, se lave les mains et déguste enfin son petit déj'.

Forcément, si je sors, je peux pas le louper, lui et sa bonne conscience.
Pas d'autre issue, je passerais bien par la porte du cellier vers la terrasse, mais on a perdu les clés et jamais je me tirerais entière de la chatière, des fois qu'un mâle fasse pas gaffe.

Alors j'assume.

" T'as vu maman, j'ai changé le sac à ta façon, nickel.
-En fait, euh... Je suis désolée, c'est moi qui vous hurle dessus de pas refoutre un sac et c'est moi qui ai oublié d'en mettre un hier soir.
-Bah c'est pas grave hein."

C'est pas grave.

Il a raison ce ptit con.