Il me faudrait toi au quotidien pour tuer l'oeuf de mon désir, il me faudrait te respirer, t'aspirer, te digérer. Il me faudrait te connaître sur le bout de mes doigts. Ma raison hurle de toutes ses forces et je sais que mon cerveau enregistre ses vociférations et comprend ses arguments. Mais mon coeur s'en balance et parfois, comme un ex-fumeur qui s'envoie une petite taf, comme une nana à la diète qui lèche un carré de chocolat, je t'invite dans mon esprit, te convoque et te dissèque. Tel un shoot, je m'explose les yeux pendant de longues minutes sur ces représentations de toi, jusqu'à en avoir les globules qui tremblent, jusqu'à ce que ma rétine sèche implore pitié. Alors je m'enfonçe encore et toujours les ongles dans les paumes pour t'allier à la douleur, pour m'empêcher d'imaginer même une seconde ton sourire ou tes yeux.
Plus honteux qu'un fantasme de chair, je m'autorise un fantasme d'amour, je crois en une réalité que j'ai quittée depuis longtemps. Je fais comme si tout était possible et que tu allais débouler là, me sauver de tous ces gens, poser ta main sur mon épaule, rajuster ta cravate et me sourire, m'emmener loin des absurdités de ce monde.
Alors ma folie n'a plus de mesures et j'échaffaude mille scénarios destinés à te sauver de toi-même, à te révéler à cette vie que tu as toi aussi oubliée et j'espère en enfonçant mes racines au plus profond des entrailles de cette terre et en les liant aux tiennes, te rendre plus fort, te rendre plus droit.
Mais j'éteinds l'écran de mes chimères, je coupe la musique de notre histoire, je range sous clé ton sourire enjôleur et efface ton image. Je suis restée du bon côté du fil... mais jusqu'à quand ?