Un coucou spécial à Laetibout.
D'habitude, c'est moi qui vient t'écrire pour t'encourager et te réconforter, aujourd'hui, les choses se sont inversées !
Oui, tu as raison que c'est une bonne chose que tous ces projets, toutes ces idées qui me viennent, mais tout cela, malgré le plaisir que ces activités me procurent -un plaisir mêlé de souffrance, c'est le propre de l'acte de création mais ça ne fait qu'en amplifier le plaisir qui l'emporte toujours- ces activités, donc, ne me donnent ni de quoi vivre ni de quoi me loger puisqu'elles sont pour l'instant bénévoles.
Comme toi, j'ai l'envie que l'on dise : nous avons réussi !
D'autant plus que nos envies sont finalement assez semblables, nous sommes tous deux des personnes qui refusont la conformité et qui sont attirés par les arts et veulent en faire leur travail (dans mon cas, j'y rajoute mon investissement pour les enfants).
Mais nous vivons dans une société où l'art n'est pas considéré comme un travail, où les écoles d'apprentissage ne sont réservés qu'à une élite -les plus riches et ceux qui ont eu la chance de naitre entourées de personnes du milieu- et où les réactions face à des personnes comme nous sont souvent excessives.
Personnellement, devant mes désirs d'artistes, beaucoup m'ont traités de "fou". Ceux qui réussissent, pour ces personnes, ne sont que les pistonnés. Les petites gens comme nous n'ont aucune chance de réussir de leur avis. Ils nous collent vite l'étiquette de maudit ou de dérangé, d'un Rimbaud ou d'une Camille Claudel...
Mais qu'est ce qui fait que nous pétons notre cable ?
Le manque de soutien, justement, cette image que l'on nous renvoie et qui est fausse. Si, dans mon cas, mon désir d'être artiste a grandit avec mon mal-être, l'un s'est nourri de l'autre, mais qu'est-ce qui a fait que je me suis retrouvé chez les "fous", les vrais, enfermé dans un hopital avec des schyzophrènes, des psychotiques, des toxicomanes ?
Le manque de soutien. Pis enore, les moqueries, les rabaissements, les incitations à laisser tomber, à ne même pas essayer.
De là est né mon extrême sensibilité, déjà très forte à l'origine, et mon dégoût de cette vie.
Est-ce parceque je désire quitter la vie que je suis fous ?
Est-ce que refuser une vie dont je sais qu'elle ne m'apportera jamais le bonheur, ne serait-ce un contentement, fait de moi un malade mental ?
Quand le corps médical et les travailleurs sociaux savent que je préfère partir plutot que ne pas réaliser mes envies, pourquoi ne m'aident-ils pas à avancer vers mes buts ? Pourquoi refusent-ils obstinément de me laisser ma chance ?
Pourquoi essaient-il de me convaincre et me forcer à adopter le mode de vie qui m'a déjà poussé au suicide ?
Je ne comprends pas cette obstination des autres à vouloir absolument me garder vivant tout en m'empêchant de me réaliser. Pourquoi venir me sauver pour me rejeter ensuite ?
Vivre est le moins que l'on puisse faire, dis-tu Laetiboud.
Mais moi je ne veux pas le moins. Le moins ne m'intéresse pas, je le connais par coeur, j'en ai assez soupé, tout comme du moyen.
J'ai toujours voulu le mieux, le plus. Si, à une époque, j'avais conscience qu'il fallait apprendre, faire ses expériences avant de grimper les échelons, aujourd'hui, j'estime qu'après ce que j'ai vécu, la vie me doit ma part de bonheur, je la réclame, je l'exige même.
je ne veux pas me sentir obligé de vivre comme c'est le cas en ce moment.
Oui, je vais passer les prochains jour à batailler encore et encore, car je veux me donner ma chance et je refuse de partir sans avoir tenté les choses.
Mais, le jour où l'on me dira de partir de l'appartement, s'il s'avère que je me retrouve sur le trottoir avec mes affaires, non, je dirai stop.
Je ne laisserai plus le droit à quiconque de m'obliger de vivre dans la souffrance. De vivre une vie qui n'est même pas Vie mais Survie.
Pour moi, le suicide est une euthanasie. Comme pour un malade dont on sait qu'il ne guérira pas, autant lui épargner des semaines de souffrances qui n'ont pas raison d'être.
Pour moi, la situation est la même. Me retrouver de nouveau à la rue est une régression et la pente à remonter sera encore plus raide, et le risque de retomber sera multiplié. Et si l'artiste se bonifie souvent avec le temps, le sportif qui, lui, doit monter et remonter la pente, n'a plus la même vigueur.
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