Elle a choisi de poser sa main sur mon sac à moi, pour que je prenne la photo. C'est la première fois que je rentre un peu dans le cadre.
Elle m'a dit que c'était étrange que je l'interroge sur ses mains, parce que le matin même elle avait regardé les mains de la femme en face d'elle, dans le métro. Elle portait la même bague qu'elle, une bague de fiancailles. Mais elle, n'est pas mariée. Et la femme en face d'elle avait les mains fines et régulières, les ongles longs. Ces similitudes et ces différences l'ont fait rêver un moment, à ce que ses mains à elle disaient d'elle, de ses écarts, de ses irrégularités, du fait que sa vie n'était pas lisse et que c'était bien ainsi. Parce que c'était comme ça qu'elle pouvait chercher, dans l'acceptation d'une trajectoire déviant de sa trace prévisible, et que d'ailleurs elle aimait et travaillait la danse d'Isadora Duncan.
Elle m'a dit aussi qu'elle cherchait à se rapprocher de l'instant, du présent, et de la simple sensation d'être en vie. Qu'on cherchait trop souvent, ici, dans nos vies, à passer par l'action. Qu'on voyait le monde et nos interactions toujours comme un appel à la résolution d'un problème. Quand elle a dit cela, je me suis demandée si ma démarche était exempte de cette anxiété, de cette envie de résoudre un problème. Certainement non. Mais j'ai été touchée qu'elle n'y voie pas que ça, et qu'elle me dise, que ce moment que j'avais suscité entre nous, c'était un peu de présent donné sans autre chose, c'était un petit moment de grâce.