Roger Salengro, bras croisés, aux côtés de Léon Blum et Maurice Thorez. Le Front populaire n’appartient sûrement pas aux fils de l’OAS…
Yves Boisset présente ces jours-ci son dernier film sur l’histoire de Roger Salengro. Nous allons pouvoir nous remémorer, ou pour beaucoup d’entre nous, découvrir la tragédie de ce prédécesseur de Martine Aubry.
Roger Salengro est né à Lille le 30 mai 1890. Etudiant en lettres à la fac Angellier, il adhère à la SFIO. En 1912, il effectue son service militaire au sein du 33e RI. Le 2 août 1914, il est arrêté sur ordre du préfet du Nord. Libéré sur l’intervention de Gustave Delory, il rejoint son unité et participe aux combats d’Artois et de Champagne. Il est fait prisonnier le 7 octobre 1915.
Revenu de la guerre affaibli par trois années de captivité, il demeure l’un des animateurs de la SFIO dans le Nord. Il est élu conseiller municipal de Lille et conseiller général du canton de Lille-Sud-Ouest.
Il succède à Gustave Delory comme maire de Lille en 1925, est réélu en 1929 et 1935. En même temps député socialiste de 1928 à 1936, il devient en 1936 ministre de l’Intérieur du Front populaire.
C’est lui qui annonce la signature des accords de Matignon en juin 1936. Initiateur de la loi sur la dissolution des ligues, le 18 juin 1936, Roger Salengro va être victime, durant l’été 1936, d’une campagne de presse particulièrement violente et mensongère de la part de l’extrême-droite, insinuant une désertion durant la guerre. Et quand l’extrême droite s’y met, tout est permis, y compris les divagations sur une prétendue homosexualité, arguant de son passé de coursier à vélo… Gringoire, journal d’extrême-droite, l’appelle “Proprengro”. Cette campagne est relayée à la Chambre des députés par le chef de file de l’opposition municipale lilloise, Henri Becquart.
Le 17 novembre 1936, ne supportant plus ces calomnies et ces mensonges, le ministre de l’Intérieur rentre chez lui, au 16 boulevard Carnot. Seul dans sa chambre, il ouvre le robinet de la gazinière.
Le jour de ses obsèques, Léon Blum lui rend un vibrant hommage. Plus d’un million deux cent mille personnes assistent à ses obsèques. Roger Salengro est enterré au cimetière de l’Est à Lille.
Le film d’Yves Boisset sort en pleine tourmente héninoise. Marine Le Pen, qui n’est pas la fille de son père pour rien, a décidé de s’approprier la mémoire de Salengro.
Elle a beau jeu. Certains héritiers héninois de Salengro ont oublié les valeurs du Front populaire, et font à nouveau renaître le spectre de l’extrême droite à la tête d’une ville française. Nous avons TOUS honte des pratiques affairistes de Gérard Dalongeville, même s’il faut laisser passer la justice et attendre que la vérité soit établie. Mais je suis tout autant révolté par le fait que les héritiers des bourreaux de Salengro osent récupérer l’histoire à leur profit, comme ils l’ont fait régulièrement depuis longtemps, à propos de la Shoah, de l’immigration, de l’Algérie…
Je souhaite qu’à Hénin, les démocrates soient capables de faire front et s’opposer durablement aux velléités de l’extrême droite, fût-elle relookée et plus présentable. Il leur suffit de penser à la mémoire de Roger Salengro.