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La loi des séries

Publié le 12 avril 2009 par Brunoh
Dans les années 80, les séries montraient clairement des bons et des méchants.
Les bons finissaient par l’emporter et les bad guys par périr.
Pourtant, beaucoup auraient préféré passer la nuit avec l’infâme JR plutôt qu’avec le (trop) gentil Bobby et s’éclater en pleine lumière avec cette peste Nelly Olson plutôt que de tâtonner dans le noir en compagnie de Mary Ingalls (oups, je me suis trahi !).
De nos jours, les meilleures séries montrent plutôt des méchants qui l’assument (Gregory House, Eddie Britt), des mafieux (« Les Sopranos ») voire des tueurs en série complètement barrés (« Dexter ») et on adore les voir gagner à la fin.
Sans compter qu’on préférerait passer la nuit avec House ou Amber plutôt qu’avec Wilson ou Cuddy. Comme quoi, les gens restent toujours attirés par le côté obscur… sauf que désormais, tout le monde l’assume !
Dans les années 80, on pouvait regarder au hasard n’importe quel épisode d’une série et tout comprendre. À part dans le cas de quelques opus comme « V », l’ordre chronologique importait peu.
Aujourd’hui, commencez avec l’épisode 4 de la saison 5 de « Desperate Housewives » : malgré le « previously », vous aurez manqué quantité de choses essentielles et ne pourrez profiter de toutes les intrigues parallèles, ni du suspens engendré par l’histoire principale. Les responsables des programmes de France 2 et de M6 l’ont bien compris : ils persistent depuis des années à diffuser « FBI Portés Disparus » ou « Medium » dans le plus complet désordre !
Dans les années 80, « Super Jaimie » était une ancienne championne de tennis, devenue officiellement enseignante, mais travaillant officieusement pour la CIA, après qu’un accident de parachute l’eut privée de son bras droit et de ses deux jambes (sans oublier l’oreille droite), fort heureusement remplacés par des organes « bio-ioniques ».
Lorsque les mécanismes entraient en action, on entendait nettement un « tintintintintin » caractéristique, sans doute destiné à compenser les carences en effets spéciaux : culte (même si je préférais nettement Steve Austin) !
En 2007, « The Bionic Woman » s’appelle toujours Jaimie Sommers, mais elle bosse dans un bar. Sa petite sœur fume du crack, son petit ami fricotte avec une organisation secrète pas nette du tout, et elle se fait défoncer dans un « car crash » par une version 1.0 de femme bionique. Cette dernière a buggé sévèrement à cause de micro-organismes robotisés qui composent ses organes de remplacement et ont envahi progressivement son esprit. Personne n’a rien pigé et la série a été arrêtée après le huitième épisode de la saison 1. Pas glop.
Dans les années 80, les séries américaines étaient toutes traduites en Français : « 6 million dollars Man » devint « L’homme qui valait 3 milliards » (conversion comprise), « The Avengers » : « Chapeau Melon et Bottes de Cuir » et « Dallas »... « Châteauvallon » ?... En prime, nous avions droit à des génériques inoubliables, interprété en Français, s’il vous plaît.
Essayez de fredonner « l’aaaamour du risque » : tout le monde s’en souvient !
De nos jours, les séries sont visionnées de préférence en version originale et personne n’aurait l’idée de créer une chanson spécifique… Vous imaginez un peu ?
« Dr House, Dr House
Celui qui ne met jamais de blouse
Dr House, Dr House
Celui qui a si souvent le blues
Dr House, Dr House
Il ne voit jamais aucun patient
Dr House, Dr House
Mais il les guérit le plus souvent
Dr House, Dr House
Au fond, tu es quand même un gentil
Dr House, Dr House
Un jour tu épouseras Cuddy »
Avec un tube comme celui-là, il y a trente ans, j’aurais été millionnaire.
Aujourd’hui, j’ai juste envie de me cacher.
Dans les années 80, les effets spéciaux restaient artisanaux.
On encourageait les louables efforts des maquilleurs de « Manimal » ou de « l’Incroyable Hulk » et on faisait semblant de ne pas remarquer les raccords caméra un peu foireux.
Notre imagination faisait le reste.
Aujourd’hui, la plus cheap des séries est capable de vous transformer une simple casse moteur en explosion nucléaire, avec effets 3D surround. Les coups de poings s’apparentent à des tremblements de terre… Je pense que dans 20 ans, cela fera également beaucoup rigoler dans les chaumières, s’il en existe encore.
Dans les années 80, on attendait avec impatience une nouvelle saison de « Dallas », en espérant découvrir enfin qui avait tué JR… alors que ça faisait facilement deux ans que les américains avaient la réponse !
De nos jours, celui qui n’a pas téléchargé le dernier épisode de sa série préférée au maximum une heure après sa diffusion sur NBC ou HBO ne saurait être considéré comme un vrai fan. On peut, à la limite, quand on n’a rien d’autre à faire, regarder un épisode lors de sa diffusion en France, mais comme on connaît déjà la fin de la saison, cela n’a plus du tout la même saveur.
Dans les années 80, on trouvait encore des héros très premier degré, voire un peu limités intellectuellement. Le cerveau de Mickael Knight était loin d’être aussi évolué que celui de sa Pontiac Trans-Am surnommée Kitt, et son humour pouvait s’apparenter à celui de son homologue frisé français, à savoir l’ineffable Julien Lepers.
Actuellement, les temps sont durs pour tout personnage de série ne possédant pas le quotient intellectuel d’un House, les capacités d’introspection d’une Ally Mc Beal ou les goûts sophistiqués d’une héroïne de « Sex and the City ».
À force de vouloir créer des monstres d’autodérision beaucoup plus intelligents qu’eux-mêmes, les scénaristes finissent parfois par oublier que, comme dans la vie, toute série qui se respecte devrait avoir son quota de cons. À méditer.

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