Le shopping et moi, ça fait trois. Trois comme trois heures. Trois heures, qui correspondent grosso modo au temps minimum nécessaire à ma validation d'achat d'un article. Parce que :
"T'es sûr que ça me va, cette couleur ?"
"Ca me fait un peu un teint de parisienne ?"
"J'sais pas, l'autre modèle est plus échancré aux épaules mais les manches étaient moins sympas. Ou pas. Non ?"
"Ca colle pas trop aux fesses, là ?"
"J'hésite. J'aime bien le noir. Mais prune ça change. Remarque le modèle sans la ceinture est peut-être mieux..."
Alors quand, malgré tout, je repars, enfin, avec un article, j'aime autant vous dire que ça a été mûrement réfléchi. L'achat impulsif, c'est pas mon truc. Mon livret A à 0,003% m'en est d'ailleurs infiniment reconnaissant.
Et qui dit mûrement réfléchi dit "pas de déception post-claquage-de-sousous". Pas après trois heures d'intense réflexion dans une cabine qui pue le désinfectant, où je prends consciemment le risque de voir la vendeuse (au bord de la crise d'hystérie) et mon chéri (à deux doigts du claquage de synapse) m'abandonner et partir refaire leur vie ensemble au pays de la vente par correspondance...
Hier, au Kookai du coin où les prix sont loin d'être discount, c'était encore pire.
A cause d'une jupe.
Comprenez-moi : les jupes, j'en porte jamais. Mais malgré le manque flagrant de self-estime qui me caractérise depuis que j'ai l'âge de comprendre que c'est bien moi, là, dans le miroir en face, aujourd'hui, je dois bien reconnaître que... cette jupe là, elle est faite pour moi. Que même, elle me fait des jolies gambettes. Et que même, la T38 elle est trop grande ! Oh ben ça alors ! Zut, va falloir la prendre en T36, trop dur la vie ! Et la vendeuse qui m'assure qu'on pourrait même la reprendre un chouia, là, parce que ça baille, et que "vous avez la taille drôlement fine vous dites donc !".
Me sens plus péter moi, dans ma cabine d'essayage... En revanche, mon Niais d'amour, à côté, semblant bien sur le point de la péter, lui, sa durite, la jupe est finalement validée, payée et emportée.
Retour à la maison.
Reste la dernière phase délicate de l'opération "nouvelle fringue" : avec quoi je la mets, cette jolie petite merveille délicatement fleurie, joliment printanière, audacieusement ourlée ?
N'est pas Caroline Daily qui veut.
Surtout quand on ne veut pas, d'ailleurs.
Alors éclos l'idée, lumineuse, brillante, évidente : quoi de mieux que mater le catalogue de la marque pour piocher des idées d'assortiment, hein ? En même temps, c'est un peu eux, les experts.
Alors je googlise, je cherche, je fais défiler....
Et je la trouve, ma petite jupe.
Ouais, c'est bien elle. Pas de doutes. Tout pareil que tout à l'heure dans la cabine. Au contenu près :
Et là, autant vous dire que le souvenir de mes jolies p'tites gambettes, il s'envole comme un troupeau de pigeons devant la mobylette du livreur de pizza. Oublié, le sentiment enivrant, pourtant encore tout frais, d'être la réincarnation de Manon des Sources (oui désolée, mes référents beauté ne sont, eux, franchement pas tout frais). Balayée, l'ivresse de la sylphide émergeant de l'onde claire.
Là de suite, je serais plutôt la grosse bête grise et triste (hippopotame, merci) émergeant de sa mare fangeuse pour regarder passer d'un œil morne et éteint la fraiche gazelle insouciante sponsorisée Contrex.
Fucking jupe.
Fucking gazelle.