C’est vrai presque tous les matins, mais ce matin ça l’était davantage encore. Peut-être parce que les couloirs semblaient déserts, peut-être parce que les portes entrebâillées ne disaient rien. Le bâtiment bougeait doucement. C’était ici une corniche qui esquissait un mouvement à l’extrême de mon regard, c’était là une fenêtre qui attendait pas si patiemment d’être ouverte. Le bâtiment rongeait son frein.
Alors je me suis demandée quelle demi-vie meublait son temps, lorsque nous n’étions pas là. Garde-t-il en mémoire l’écho de nos conversations entrecoupées ? Ou n’étions-nous tout le temps de notre présence que des fantômes à ses yeux, des fantômes bavards et agaçants dont il attendait le départ avec impatience ? A notre manière, nous hantons ses murs.
Je savais bien sûr que le bâtiment allait reprendre vie. Inexplicablement, je lui en voulais un peu de cela. De l’entendre respirer ce matin était si intime, si personnel, une conversation chuchotée entre lui et moi qui arrivait trop tôt. De l’entendre respirer je me sentais grandie. Et il m’est venu à l’esprit que ce sont les murs qui nous construisent, même démesurés, même mal intentionnés. Les murs comme seul horizon sur le monde.