"En présence de l’ambassadeur de Pologne et du distributeur du film en France, j’ai pu assister à la projection du film d’Andrej Wajda, Katyn, à l’Assemblée nationale. Cette séance était à l’initiative de mon ami Marc Le Fur. C’est un film sobre, austère, doté d’une puissante retenue devant une tragédie qui est davantage perçue à travers les souffrances et les deuils personnels, les drames familiaux que sur un plan politique.
Sans doute, est-ce là la force du message : les systèmes totalitaires ont, au nom d’idéaux apparemment opposés, écrasé les personnes. Hannah Arendt ne s’est pas trompée. Il y a un totalitarisme aux multiples visages : l’officier allemand qui envoie les universitaires polonais dans des camps de concentration a pour reflet l’officier soviétique qui assiste à l’arrivée des officiers polonais dans une gare et qui vont être conduits dans la forêt de Katyn pour y être exécutés. Les deux visages respirent la même suffisance et la même stupidité satisfaite. Toutefois, il n’est que trop évident, qu’à de malheureuses exceptions près, tout le monde aujourd’hui connait et condamne les crimes des nazis alors que durant de longues années on a nié ceux du communisme, couverts par un cynisme diabolique de la part de leurs auteurs, et la complicité de tous ceux qui, bénéficiant de la liberté d’expression dans les démocraties, ont été les thuriféraires d’une idéologie et d’un système politique totalement inhumains.
Les soviétiques ont volontairement
voulu éliminé l’élite polonaise pour mieux dominer leur voisin
catholique de l’ouest. Ce crime s’en prenait à une classe, comme les
nazis s’en prenaient à une race. Staline, après l’Holodomor,
le meurtre par la faim de millions de paysans propriétaires ukrainiens,
n’en était pas à son premier génocide, ni à son dernier : comment tant
“d’intellectuels” français ont-ils pu cautionner un régime qui au lieu
de combattre des idées détruisait des êtres humains ? Leur
responsabilité est immense.
Il ne faut pas oublier que Pol Pot est passé par la France, et que le Monde s’est félicité de la liesse lors de la prise de Phnom Pen par les communistes… C’est pourquoi, il est particulièrement inquiétant et même honteux, que le Centre National de la Cinématographie (CNC) n’ait pas cru devoir subventionner, comme il le fait d’habitude, ce film polonais réalisé par l’un des plus grands cinéastes vivants. C’est pourquoi il est tout aussi préoccupant de savoir que cette œuvre a connu des difficultés pour être distribuée en France. Elle ne l’est pas sur certains réseaux de salles particulièrement importants, notamment celui qui s’était déjà refusé à la distribution de la Passion du Christ…
Qui prétendra que la censure n’existe pas dans notre pays, et que celui-ci est une parfaite démocratie ?
Allez tous voir ce film et n’hésitez pas à me donner votre avis sur lui !"
Lahire