Magazine Nouvelles

Ceux qui se demandent ce qu’ils font là

Publié le 14 avril 2009 par Jlk

Panopticon8793.jpg

 Celui qui ne se rappelle plus où il doit descendre sur la ligne de Cuernavaca / Celle qui se retrouve terriblement ivre derrière la porte fermée d’un hôtel de Sofia sans se douter que ce n’est pas le bon / Ceux qui se sont croisés dans un rêve de Borges qui les en a avertis respectivement sans préciser qui était l’autre / Celui qui est venu écrire à la terrasse du Café des Amis devenu le Holy Meetic / Celle qui s’est endormie dans le tunnel et se réveille sur le quai désert une heure auparavant / Ceux qui récusent le jugement de certain snob argentin selon lequel Jules Verne ne serait qu’un modeste boutiquier des lettres alors qu’ils continuent de se réveiller dans la bibliothèque du capitaine Nemo / Celui qui relève la «douceur veloutée» des argumentations de l’humaniste Erasme / Celle qui retirait l’encre de l’écritoire postal quand elle voyait le peintre génial Louis Soutter (un triste sire à ses yeux à elle) s’y pointer avec ses cahiers de dessin / Ceux qui laissent le jeune homme aux yeux verts s’allonger de tout son long sur le sol de salle d’attente du vétérinaire en attendant que son pitbull unijambiste lui soit rendu / Celui qui renonce à toute espèce de pouvoir à l’instant de constater que le viagra n’est d’aucun effet sur sa libido de chef de rayon récemment licencié / Celle qui découvre la géographie souterraine de la rivière traversant sa ville natale de part en part sous les arches de laquelle elle s’est réfugiée au terme de la nuit dite du Grand Effroi dans son Journal d’une âme attentive / Ceux qui s’affilient à l’Internationale du Temps Ralenti / Celui qui exerce sa verve corrosive au détriment de la buraliste à bec de casoar / Celle qui croise tous les matins cette passante en se demandant si ce n’est pas Sophie Calle qui lui sourit avec la conviction d’être reconnue alors qu’il ne s’agit pas de Sophie Calle mais de Jeanne Flocon la linguiste belge de la villa Les Lauriers / Ceux qui ne savent plus où ils en sont sans se rappeler qu’ils ont cru qu’ils le savaient à la grande époque où ils chantaient par cœur Bella Cio et autres hymnes entraînants de leur belle jeunesse de noceurs, etc.

Image: Philip Seelen.


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazines