Le dessin est dans la tête

Publié le 16 avril 2009 par Headless


Il parait que je tiens mon stylo ou crayon de façon peu classique, voire convenable. Je ne me rend pas compte, étant donné que j'ai toujours fait comme ça. Ce qui est sûr c'est que j'ai une attaque appuyée et nerveuse de la page. Je suis de l'école de ceux qui cassent régulièrement la mine du critérium et qui écrase la tête des feutres.
La première fois que j'ai fait dédicacer mon Foligatto et Bibendum par Nicolas De crécy, j'ai été frappé de voir comment il manipulait son crayon. Etant donné son trait acéré et virevoltant, je pensais qu'il avait un maniement nerveux et appuyé de l'outil. Et bien pas du tout, il a une grande souplesse de la main et du poignet, fait son dessin en continuant de discuter, très décontracté, se retourne sans que cela l'arrête dans son mouvement. Je me souvient pas précisément, mais il me semble qu'il tient le crayon inversé, à la façon dont on tient un fusain.  Bref, il a trouvé sa façon, sa gestuelle.
Je pense que chaque dessinateur invente sa manière de tenir le crayon, qui découle un peu de données physiques concrètes, du corps, mais aussi beaucoup de choses absorbées par le cerveau et l'oeil.
De toutes façons, le dessin est dans la tête, pas dans la main ou dans l'outil. Je suis persuadé que même sans main, je continuerais de dessiner, mentalement.

Bien sûr, le trait existe au point de rencontre entre cerveau et papier, avec comme médiateur l'outil graphique et ses particularités. Mais en définitive, ce sont une succession de choix, d'adoption et de refus, une formation interne du regard et je dirais même une façon d'être au monde qui coule en même temps que l'encre du stylo. Ce qu'on dit ou qu'on tait dans un dessin, la façon de synthétiser ou au contraire de "bavarder", parle beaucoup de celui qui manipule tout ça. On parle de style, de vision, d'univers, de façon. Je pense à la légèreté rieuse de Sempé, à l'élégance simplement sophistiquée de Pratt, à la morsure de Schiele.
Ce qui rend la chose unique.
Chaque dessinateur se balade avec une possibilité du monde.
A nous tous, nous le sommes. Comme un musicien est une possibilité du chant du monde et du son.
Tout naît dans la tête, en sort et y revient.
ps: il y a certains fétichistes du dessin qui pense que le talent provient d'un certain type d'encre, d'outils et qui vous demandent vos trucs et secrets. Il faut leur répondre : démmerdez vous.
Chacun doit trouver ses solutions. Ne pas prendre le problème à l'envers comme on met parfois la charrue avant les boeufs. Ca se passe à l'intérieur, pas à l'extérieur. La partie immergée de l'iceberg ne vous dira rien de la forme ou de la dimension de celle qui est cachée.


Le chateau de Prague.