Il est 19 h 30. J'ai fait aujourd'hui ma première vraie rentrée de maîtresse (parce que bon, ma semaine avec les GS, quand même, ça compte pour du beurre...). Je ne pourrai pas rester longtemps mais... Sache juste que... Je suis crevée, lessivée, harassée. Mais bien. Paradoxalement. Bien. Bien dans ma tête. Bien dans mes pompes. Bien. Vraiment bien. Et ta classe ? Et ta classe ? Et les locaux ? Et les collègues ? Et les élèves ? Hein ? Et les élèves ?
Je suis arrivée ce matin l'estomac à l'envers. Des nausées abominables. A me sentir défaillir. Horrible ! Et en sortant de voiture, devant l'école, l'impression que mes jambes ne me porteront pas jusqu'au bâtiment. Et une fois dans le bâtiment, plus de trac. Disparu. Serrer toutes les mains, me présenter. Et on m'emmène déjà dans MA classe. La clé en est le reflet : vieille. Ah ? Mais attention ! Du vieux CHARMANT. Il y a les pupitres et les encriers, le vieux tableau à lignes. Comme cette photo de Doisneau, là, que j'ai jointe à notre conversation ! Avec les porte-manteaux dans la classe et tout et tout ! L'inconvénient, c'est que la classe est minuscule. Du coup, quand je suis avec les CE2 avec ma groooooosse voix (il va falloir que je travaille ça...), cela perturbe les CM1 : les bureaux sont quasi tous collés les uns aux autres. Il faudrait que tu revoies l'aménagement de la classe... Je sais. Je n'ai pas eu le temps aujourd'hui. A vrai dire, je n'ai eu le temps de rien.
Il y a eu le moment où j'ai dû me présenter, après que mes 25 élèves soient entrés en classe (parce que finalement, ils ne sont pas 22 mais 25...). Il y avait toutes ces têtes, tous ces cartables, toutes ces paires d'yeux à me fixer avec curiosité. Pendant deux minutes, j'ai eu très peur. Une peur à foutre le camp. Je me suis entendue dire, comme s'il s'agissait de quelqu'un d'autre :
"Bonjour, je suis Mademoiselle ******* et nous allons passer l'année ensemble. Vous pouvez m'appeler Maîtresse."
Je me suis vue écrire mon nom au tableau, en lettres cursives. J'ai vu ma main trembler, je me suis entendue penser : "Ce n'est pas possible, je ne peux pas y être déjà, je ne suis pas prête, je ne suis pas prête...". Je me suis vue comme la petite fille qui attend la rentrée tout l'été et qui, le moment venu, dans ses jolis vêtements, son beau cartable sur le dos, crève tellement de trouille qu'elle ne veut plus y aller.
Et puis c'est passé. C'est passé.