Un lent silence de reconnaissance, une lente lueur poursuivie, le regard plus bas que terre. Conquis par le terrain, je n'écrivais plus, je lisais.
- Que fait-il ?
- Il lit.
- Ah ? mais que lit-il ?
La pierre levée des champs, l'appui des roches à mi-pente, les quais, des rues somnolentes, au loin, des montagnes froissées comme la feuille de brouillon. Sur la borne, le nombre de signes qu'il faut pour décrire un nom, un nom de lieu né en 1915 et tué en 1962. Alain Borne.
- Les dates ne vous disent rien ? 1915, pourtant ? 1962, allons ! Non ? C'est qu'au poète on ne donne pas de noms de batailles ni la fonction de marquer l'histoire d'une pierre dressée. Au poète on ne prête pas les arcs de triomphe, quoi qu'au vieil Hugo, si. Et à Bela Lugosi aussi. C'est qu'au poète on permet de passer de vie à trépas, en dehors du temps. Au dela des bornes.
- Mais alors de quoi parlons nous ?
- De quoi ? De rien. De qui ? Un peu. D'un poète sans jardin de prières. D'Alain Borne qui écrivit ceci, devant quoi vous me pardonnerez de m'être tu un peu :
Âge profond et sans retour
qui déjà fait peur au sang
ne pas mourir est un courage
Quand mourir est avancé
(Alain Borne, Encres, atelier du Hannton, 2003)