Magazine Journal intime

Le Magasin

Publié le 20 avril 2009 par Oliviernda
Le Magasin Dévalant la rue à 3 km/h il marchait un peu en zigzag. C’était un beau jour, «habillé» d’un magnifique ciel bleu qui, accompagné de son soleil, ressemblait à un samedi après-midi, le lendemain d’un vendredi qui avait vu le virement d’un salaire bien mérité. Dehors, tout semblait tout neuf et tout propre mais moi je continuais de regarder marcher ce monsieur. Je l’observais sans même me rendre compte que mon regard s’était figé sur lui. Élégant, du style dandy, je l’imaginais écrivain ou artiste d’un genre ou d’un autre. Il avait l’air de ne pas pouvoir marcher droit. Des pas tantôt grands, tantôt petits. Il allait du trottoir gauche au trottoir droit, marquait des moments d’arrêt brusques, comme si ses belles chaussures de cuir marron étaient équipées de frein de Formule 1 enivrée. Je l’observais sans comprendre quand soudain, comme face à un lion près à le « caresser » de ses beaux crocs, il se mit à faire de grandes enjambées dignes d’un 110 mètres haies olympique, dans le sens inverse.
Le visage complètement déformé par l’effort de compréhension, mes traits négroïdes et mes mimiques faciales me faisait ressembler à ma tante en pleine crise de jalousie devant le beau pagne de sa cousine germaine. Je n’en pouvais plus ! Je me redressai de tout mon long, espérant résoudre cette équation à la verticale. Voila que même sans l’annoncer, « le dandy » se mit à nouveau à marcher a l’envers cette fois tout en zigzagant, et tout ça sans se retourner ! Et j’ajouterais-même avec une certaine dextérité. Ma curiosité n’en pouvait plus et je me consolais avec toutes sortes d’idées saugrenues en m’approchant discrètement de lui, me dissimulant version caméléon derrière les arbres alentours.
Je me disais qu’il devait sûrement être soit un ancien danseur de Mickael Jackson, j’avais même l impression de l’avoir vu dans le clip de Thriller, soit un équilibriste sans travail qui s’amusait à torturer l’esprit d’obsédés curieux qui savouraient tranquillement leur après-midi paresseuse.
Dans tous les cas j’étais tendu et frustré de ne rien comprendre à ce qui ce tramait là devant moi. Il continua un moment puis rebelote ! Il «cala » version Ayrton Senna. Je l’imitai aussitôt et me mis à l’ abri d’un arbre pour être plus discret. J’observais comme un espion ce « spécimen », cet homme vêtu d’une belle veste marron, d’un beau T-shirt blanc fourré dans ce beau jean, qui d’ailleurs ne m’avait pas l’air saoul. Il sourit seul en parlant au téléphone, secoua la tête quelques minutes et reprit sa marche et ses zigzags de « dindon », revenant sur ses pas.A ce stade j’étais complètement blafard et moche, l’incompréhension me torturait et mon visage en souffrait quand, dans la vitre de la voiture garée dans mon axe, j’aperçu le reflet de ce qui était la caricature de tante Émilienne, la jalouse, quand elle disait : «En tous cas, elle n’est pas mieux habillée que moi, ça, en tous cas c’est impossible !».
Je souffrais d’envie de comprendre …je décidais alors de revenir à mon poste d’observation d’origine un peu plus bas sur le trottoir de droite, en espérant que sa prochaine aventure l’amène vers moi et que je puisse enfin « de-contorsionner » mon besogneux visage meurtri par mon obsession à vouloir savoir. En position j’étais quand …
Quand l’élégant «dandy » sans même m’avoir vu trébucha sur moi. Il m’en fallu pas plus pour lui demander, avec mon plus grand sourire qui je l’espérais allait le garder le plus longtemps possible auprès de moi [histoire de comprendre avec précision ce qu’il faisait] :
- Bonjour monsieur, êtes-vous perdu ? Puis-je vous renseigner ?
Celui que j’avais surnommé « Mr dandy» fit un pas, s’arrêta brusquement, cette fois version Alain Prost, et me sourit. Il me dévisagea en silence pendant quelques minutes puis me répondit simplement :
« Non, non je ne suis pas perdu, je sais que vous vous inquiétez de « mes avancées à reculons », mais c’est comme ça que je marche depuis de longues années, c’est un «défaut- d’hésitation» mais Je finis toujours par arriver à destination mais il me faut du temps ».
Il enchaina, toujours avec ce gentil sourire qui de près laissait transparaitre une certaine tristesse : « A force de vivre entre le passé et le présent, j’avance mais j ai toujours besoin de reculer parce que quand je vais trop loin je me souviens et je … ». Il inspira et reprit : « Jeune homme vous savez, c’est dur de vivre le pied au présent et la tête au passé… Je vis comme ça depuis longtemps, je suis très fatigué et c’est horrible … mais aujourd’hui je vais au magasin. Je m’en fous des douleurs et vous avez vu, j’ai fais deux « reculades »… mais j’y vais ».
Il m’observa et continua : « Depuis hier après de longues hésitations et malgré les peines, j’ai décidé de sauter les yeux fermés et à ma grande surprise j’avance ! Et mes jambes commencent à rejoindre ma tête. Déjà je ne me souviens plus du sens du mot « époque » et je sais que si je trouve le magasin et que je l’achète, je ne me souviendrais plus mot « ex ».
Il pose un instant devant mon faciès qui a repris de plus belle sa campagne publicitaire pour « africain au gros nez étonné » et ajoute :
« Je suis ami avec le «présent » maintenant. Vous m’avez vu au téléphone tout à l’heure. C’est le «passé » qui m’a appelé. J’ai rigolé, j’ai raccroché et j’ai effacé son numéro. Aujourd’hui c’est aujourd’hui ». Puis il m’interrogea: «D’ailleurs où se trouve le supermarché du «nouveau », le magasin où l’on savoure le changement, le vrai, celui qui se reconstruit chaque matin, qui ne vend rien préparé la veille, qui ne stocke rien, ne vend ni «habitude», ni «confort». Celui qui vend l’avenir, où est-il ?».
Je ne sais toujours pas pourquoi je l’ai accompagné, ni pourquoi j ai acheté « le changement » qualité supérieure 100% garantie, mais on en est ressorti amis. Depuis les numéros de mes« ex », de l’ancien boulot, du boss qui se moquait de mes « Winston jaunes vives » ont disparus. Mr « dandy » marche droit avec moi à ses cotés. On a investit, bossé dur et notre compagnie marche fort depuis que l’on s’est marié avec le présent.

Par Olivier N’Da

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