Aider les autres...

Publié le 23 avril 2009 par Tazounette


Il est entré. Sa canne blanche le précédent d’un bon mètre.

Il est entré et s’est dirigé d’un pas incertain, suivant les indications données par l’absence de heurts de sa canne placée en avant de lui.

Tout de suite, mon empathie a été saisie.

Nous étions attablés, dévorant tous deux notre petit déjeuner sur le pouce en ce dimanche matin post-samedi à fonds les ballons.

Passé entre IKEA, achat de meubles puis montage de meubles, emplacement de cadres divers et variés, déplacement du mobilier pour trouver leur place, vidage des cartons, rangement dans lesdits meubles… Monter et descendre à petons, les escaliers interminables du 4ème étage « sans ascenseur » menant à notre domaine.

Nous avions eu la flemme de préparer le p’tit déj. Nos pas, tout d’abord prévus pour trouver une boulangerie et quelques croissants, se sont finalement dirigés avec assurance vers la facilité, sise juste au bout de la rue.

Un p’tit déj que je ne connaissais pas.

Exotique.

^_^

(L’espèce de grand clown rouge ridicule enlacé autour d’un M jaune ! Si tu vois de qui je cause !)

Il ne faut pas nommer les marques, il paraît !

Mon homme est comme ça. Le romantisme incarné ! ;o) Il a eu raison, il commence à connaître ma voracité post-nuit acrobatique  ;o) 

Et puis quoi de mieux qu’un Bacon’d Eggs pour bien commencer la journée ?

Un seul, s’il vous plaît, c’est pénurie ce matin !

Aujourd’hui, pour ce dimanche, McDo a fait un casting spécial : les deux plus molles de l’équipe se partagent la cuisine et la caisse. Le manager n’a pas trouvé d’autres jours où elles pouvaient mieux assumer le service que le jour de grand désert !

C’est un vrai job, Manager, il faut pas croire (!!!)

Le Monsieur avec sa canne blanche s’est dirigé tout de suite vers le comptoir et a demandé un « Sundae ». Il a fait demi-tour ensuite et a rejoint les tabourets de bar. Il s’est assis et a dégusté sa glace.

Mon empathie cognait et ruait dans ma poitrine.


C’est une chose étrange que cela. C’est le bon cœur qui gonfle dans la poitrine et il n’y a rien à faire contre ça. Ca grandit.

Il est resté assis un moment ensuite puis a cherché la poubelle, qu’il a trouvée sans trop de mal. Puis il a arpenté toute la longueur du boui-boui.


C’est là que ça a commencé.

Je l’ai senti perdu. Visiblement il cherchait des indications avec sa canne. Visiblement, aussi, il ne les trouvait pas. Il a tourné dans le fast-food. J’étais fort loin de lui. J’avais envie de sauter sur mes jambes, traverser le restau et lui demander si je pouvais l’aider.

Quelle bataille intérieure j’ai mené. Pour simplement savoir si j’irais ou non. La peur de paraître mal à propos, la peur de gêner, de brusquer, d’agresser, m’a empêché de bouger.

Par contre, j’aurais eu l’uniforme du personnel du fast-food, je peux vous dire que je n’aurais pas hésité.

Ici, personne n’a bougé. Comme si personne ne l’avait simplement remarqué. Personne n’a daigné bouger, le laissant se perdre, tourner en rond. J’ai même pensé qu’il cherchait à monter aux toilettes. Mais non, sa canne restait à l’aplomb de l’escalier et il continuait de tourner autour. Puis retrouver les tabourets de bar sur lesquels il s’est rassis. Comme pour prendre le temps de respirer dans sa panique.


C’est ce que j’ai pensé.

Mais après tout. Peut-être ne paniquait-il pas ? Peut-être simplement hésitait-il à prendre une suite ?…

Le jeune manager était assis de même sur un tabouret de bar. Petit crétin âgé d’une petite vingtaine d’années. Puant le chefaillon à plein nez, au milieu de ces deux poules caquetantes, trop lourdes et bien peu efficaces. Seules donzelles sur lesquels il peut espérer avoir un semblant d’ascendant. Petit chefaillon de mes deux. Eructant et parlant dans un jargon abomifreux. Suffisant, rien qu’au ton avec lequel il s’adressait au restant du personnel, jugé bien en-dessous de lui…

Il n’a pas jugé bon d’aider cet homme à la canne blanche à trouver la sortie, les toilettes ou bien un siège. Il l’a regardé, bon Dieu oui, un sacré moment, comme un insecte ! Regardant juste si cet autre allait parvenir à se dépatouiller avec sa canne et l’agencement maladroit et retors de ce fast-food dominical…

Mon Taz était réveillé depuis un moment. A cause du jeune con de Manager, qui en dehors de harceler les caissières et autre faiseuse de sandwich n’était même pas capable de venir en aide à un client qui visiblement en avait besoin.

J’ai eu du mal à avaler mon thé. Un dégoût du genre humain m’a pris d’un seul coup, amplifié par mon propre dégoût de ne pas oser prendre les devants et aller faire ce que j’avais tellement envie de faire depuis des plombes…

Il s’est levé de nouveau, a repris sa canne par devers lui et s’est dirigé à nouveau vers le comptoir. Il a demandé et pris une boisson. Et a encore mis un temps fou à retrouver les sièges adéquats.

Durant tous ses manèges, le manager ne mouftait pas, ni la caissière dopé au Lexomil !

J’ai fini ma dernière bouchée de pancake et nous sommes partis, ainsi.

Comme des voleurs.


Moi, tentant vainement d’étouffer ma colère !


La colère de ne pas avoir usé utilement de mon empathie, de ne pas avoir osé lui venir en aide. Et d’être restée ainsi, à le regarder sans oser. A le regarder. Comme le manager de mes deux.

A ce moment-là, j’ai eu la sensation désagréable, alors, que je ne valais pas mieux que lui…