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La monnaie de la crise

Publié le 09 avril 2009 par Kasparov
La monnaie de la crise
« Le système financier international a besoin de s’appuyer sur des règles et des institutions qui s’en portent garantes comme il y a aussi la nécessité de créer simultanément un climat de confiance. En effet, en un temps éclair, la loi de la jungle, l’égoïsme extrême, l’esprit de clan ont donné le ton aux rapports internationaux; le monde financier a été voué à se transformer en une sorte de jeu morcelé dominé par une logique glaciale de course au profit. Il a fini par y perdre sa santé et sa stabilité pour ne plus laisser d’espace à un développement soutenable. »
Cette sagesse pourrait bien être celle qu'on tirera de la crise, crise dont nous n'éprouvons encore, sans doute, que les premiers effets : le désastre de l'économie virtuelle se matérialise à son rythme, mais inexorablement, dans la sphère concrète, c'est-à-dire productive et consommatrice.
Qui ne donnerait, à l'exception de quelques capitalistes cyniques, le bon dieu sans confession à une telle déclaration de foi ? Le hic ! est que cette belle prose est celle d'un journal chinois, évidemment intitulé Le Quotidien du Peuple. Comme nos démocraties, relayées par le médiatisme vulgaire - celui de la télévision, en particulier – procèdent d'abord par dualités bornées, le citoyen peu attentif s'étonnera que l'on puisse trouver un trait de vérité dans l'organe de propagande de cette ignoble dictature qu'est la Chine, martyrisant toute réincarnation tibétaine.
Peut-être pourra-t-on, au mieux, dire que les belles phrases et les beaux principes n'engagent à rien, que la littérature, la philosophie ne sont pas encore la politique, et qu'une telle pétition de principe (dont le parfum est effectivement communiste) n'est que jolis mots jetés en justification sur l'hideux système dictatorial.
Seulement voilà : La Chine, appuyée par d'autres pays (la Russie, le Brésil, le Venezuela) est venue au sommet mondial avec une proposition révolutionnaire. Les mots avaient donc un sens.
Cette proposition est la suivante : « Créer une nouvelle monnaie, supranationale. »
Qu'on ait très peu parlé d'une telle idée n'est pas surprenant. Et montre seulement à quel point notre soi-disant paradis d'opinions et de clarté informationnelle peut tout aussi bien être compris comme ce monde de la censure par désertion et de la promotion de l'inessentiel. Ce qui n'est pas prendre la défense de cette dictature effective qu'est la Chine, mais rappeler, seulement, que la laideur des uns ne fait pas la beauté des autres, et que les formes perverses, au paradis actuel de la démocratie, sont elles aussi à repérer et comprendre.
Mais que signifie « Créer une nouvelle monnaie, supranationale ? »
Cela peut signifier fondamentalement deux choses, dès lors que l'on a remarqué que la crise mondiale dépend à l'origine des malversations ou inconsciences d'un Etat, les USA, et, en conséquence, de leur monnaie, à la fois hégémonique et locale. Il y a là, premièrement, un principe pragmatique, régulateur, para-catastrophique, et compatible, même, avec le capitalisme. Il y a deuxièmement un principe proprement philosophique.
1.Assurer une stabilité financière plus grande, car supra-nationale, donc moins sensible aux aux épicentres nationaux.
2.Rendre possible une autre économie, une économie qui parviendrait à rompre avec la sphère du virtuel, où l'argent lui-même devient une marchandise que l'on achète et vend.
Il faut remarquer que les banques chinoises, dirigées par des cadres nommés par le Parti, n'ont nullement mordu à l'hameçon des subprimes finalement suicidaires. Les 3 premières, en 2008, ont ainsi dégagé un excédent de 30 milliards d'euros directement injectable dans l'économie.
Notre situation, à notre corps défendant, est tout autre, puisque nous ne disposons, pour compenser, que de la ponction sur les revenus particuliers, ou de la planche à billets, l'argent artificiel, avec les risques de dévaluation qui s'ensuivent, le tout enrobé d' un petit laïus moralisant sur les excès de l'économie abstraite.
Toutefois, le lecteur quelque peu critique et informé pourra analyser la position de la Chine à partir de réquisits purement stratégiques.
1.Eviter la dévaluation du dollar. La Chine étant, dans les faits, le créancier impérial des USA (750 milliards de Bons du Trésor), une telle dévaluation est pour ses intérêts dommageable.
2.Mettre fin aux accusations concernant la sous-évaluation de sa propre monnaie.
3.Obtenir une réforme radical du FMI où elle ne dispose que de 3,6 pour cent du droit de vote, et qui, de manière générale, bride les pays émergents.
Sans nul doute, ces stratégies nationalistes sont actives dans la diplomatie chinoise. Mais toute diplomatie fait de même. Il n'en reste pas moins, dès lors, que cette horrible dictature propose une Idée où d'autres aiment à mettre pansement sur jambe de bois. Ce qui doit nous donner à penser, sans nulle allégeance à la dictature chinoise, à notre splendeur démocratique...

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