Lu dans le dernier numéro de Monde & Vie, cette analyse sur la réforme de l’adoption en France :
"Jusque-là, l’action en délaissement – ouvrant la possibilité d’adoption – devant les Tribunaux de grande instance pouvait être entamée par la famille d’accueil de l’enfant ou les services sociaux des départements. Désormais le parquet pourra lui aussi engager la procédure, de son propre chef. Or il n’est pas du tout certain qu’il adopte la même ligne de conduite que les services sociaux, qui se montrent généralement favorables au statut quo et préservent les droits des parents biologiques. L’association chrétienne de lutte contre la pauvreté ATD Quart Monde s’inquiète de cette mesure qui, dans 50 % des cas est – selon elle – la conséquence d’une insuffisance de l’aide sociale et financière aux familles concernées. Faute d’une politique familiale digne de ce nom, ces familles sont obligées d’abandonner leurs enfants placés en foyer ou en famille d’accueil. D’autre part, l’adoption internationale a été confiée, par un décret du 14 avril dernier, au ministère des Affaires étrangères, l’Agence française pour l’adoption devenant une direction centrale du Quai d’Orsay. C’est une rupture avec le droit commun de l’adoption, qui confie cette question aux services sociaux, et donc, depuis les lois de décentralisation, aux départements. Ces réformes sont avant tout d’ordre technique et ne laissent pas apparaître, pour l’instant, une reconnaissance quelconque du “droit à l’enfant” qui pourrait constituer un premier pas vers celle de l’homoparentalité. Ce droit à l’enfant sera également une des clefs du débat sur les mères porteuses, qui resurgit en France quelques mois avant que la question ne soit à nouveau tranchée par la refonte des lois sur la bioéthique, prévue l’an prochain.
Le vrai problème de l’adoption en France demeure la quasi-disparition de la troisième possibilité d’adoption (à côté des enfants délaissés et de ceux adoptés à l’étranger), découlant de la procédure d’accouchement sous X, et ce depuis la fin des années 1970. Comme son nom l’indique, cette procédure se fonde sur une rupture complète de la filiation biologique, le nom de la mère n’étant pas connu de la famille adoptante et ne figurant pas sur l’acte de naissance de l’enfant. Si 10000 femmes environ accouchaient sous X en France dans les années 1970, elles n’étaient plus que… 394 en 2004 ! Cette quasi-extinction des abandons d’enfants dès la naissance n’est pas due à une augmentation significative de l’aide apportée aux mères en difficulté, mais est une conséquence de la loi Veil sur l’avortement. Les jeunes filles françaises, qui constituaient la majorité des femmes accouchant sous X (les deux tiers avaient moins de 25 ans selon une étude de 1999), sont désormais fortement incitées à avorter plutôt qu’à mener leur grossesse à terme et à confier leurs enfants à l’Aide sociale à l’enfance, qui n’avait pourtant pas de mal à trouver des familles pour adopter ces nourrissons. Résultat : les familles françaises doivent adopter à l’étranger avec le coût, les aléas et les risques de trafic d’enfants qui existent inévitablement dans les pays du tiers-monde."