{part.1} La mer à boire

Publié le 25 mars 2009 par Lamisse08

J’ai rêvé de toi, tu m’embrassais, c’était exquis, j’étais enchantée de te voir prendre du plaisir comme si c’était la première fois que je le sentais de manière aussi tangible. Nos étions baignés dans une lumière rougeâtre, j’aurais voulu que ça dure longtemps, ton regard rutilant, mon visage heureux, nos bouches insatiables.

 

Le réveil fut douloureux.

 

Tu ne m’as jamais autant manqué, je me retenais de te l’écrire par peur d’exposer ouvertement mon addiction. Aujourd’hui, j’ai fini par me trahir. Il y a confusion des rôles, il faut que je te parle comme je parlais à l’ami de ceux qui ont renversé mon cœur, que je te parle comme je lui parlais de ma vie un peu ébréchée par endroits.

Je me suis rappelée la petite entaille sur ma main, je pense que personne d’autre ne l’aurait remarquée, je pense que tu me sais un peu mieux que tous, malgré le regard qui esquive et les écluses qui se referment sur l’immense fleuve.

« L'histoire de ma vie n'existe pas. Ça n'existe pas. Il n'y a jamais de centre. Pas de chemin, pas de ligne. Il y a de vastes endroits où l'on fait croire qu'il y avait quelqu'un, ce n'est pas vrai il n'y avait personne.

Je n'ai jamais écrit, croyant le faire, je n'ai jamais aimé, croyant aimer, je n'ai jamais rien fait qu'attendre devant la porte fermée.

Je me suis dit qu'on écrivait toujours sur le corps mort du monde et, de même, sur le corps mort de l'amour. » Marguerite Duras

Je pense aussi que j’écris sur l’absence, recluse dans le périmètre ombragé par ce grand arbre séculaire dégarni et pourtant. J’écris pour recouvrir les pores, recouvrir le vide et les déconvenues. Je trouve les fins tristes sublimes, je pense qu’on ne peut témoigner du bonheur qu’après coup, lorsqu’il s’en va faire sourire ailleurs, jamais sur le fait. C’est comme cela, ton absence a laissé place à une vaste étendue, que je ne voyais pas aussi grande auparavant. Et puis ta phrase me revient, ce que je te trouve de particulier, pourquoi toi, parce que tu es de ceux qui laissent une empreinte. Je rêve d’un monde à nous, j’ai envie de m’y blottir pour t’écouter, si tu savais ce que j’aime quand tu te racontes, ça me procure la même émotion qu’un petit garçon racontant une histoire avec les gesticulations de ses mains, ses yeux qui pétillent, tout content qu’on s’intéresse à lui. Ca me fait monter les larmes, cette naïveté, ce bonheur tranquille, ineffable. Je crois que je suis tombée amoureuse de tes passions ensommeillées, du talent qui couve en toi, de tes rêves d’envol ; je te vois comme une étoile qui cherche sa place dans l’immensité. J’aime ta douceur, me sentir à l’abri dans tes bras, tes mains qui me cherchent, ne jamais les perdre. J’aime quand tu défies ta timidité et que tu oses, toi le premier, j’ai l’impression de t’appartenir. Un jour, quand tu as dit non, j’ai eu mal, j’ai ruminé ma bravade, me suis sentie incomprise. Beaucoup de choses se bousculent, je me retiens de parler de nous comme si c’était une grande histoire, j’ai peur d’étaler mes pensées, ça a toujours été ainsi, je vais du songe à la réalité. J’ai besoin de dessiner le parcours, de le sentir avant de l’emprunter.  

 

Il m’a demandé de lui raconter, je n’ai pas su dire non parce que c’était lui. Sur le coup je répondais aux questions, je m’évertuais à retransmettre les images mémorielles en les détachant lentement de la matière affective. Après, je n’ai pas réussi à m’en défaire, tous ces souvenirs remontés à la surface, ça faisait longtemps que je n’avais pas pleuré mon père. Je lui ai dit que je n’aimais pas parler de mon passé, que je ne voulais pas que les gens s’étonnent, encore moins qu’ils s’extasient, que je n’avais pas envie d’être une « curiosité ». Un personnage anonyme finalement, comme dans une coupure de presse un peu sanglante, un peu triste. Un fait divers.